Reconstitution de la bataille de Waterloo. © REUTERS/Laurent Dubrule

L’intrigante dotation des Wellington en Brabant wallon

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Deux cents ans après la bataille de Waterloo, l’actuel duc de Wellington dispose toujours de mille hectares de terres en région nivelloise. Anachronisme ou vestige salutaire? C’est l’histoire d’une dotation controversée mêlant noblesse britannique et agriculteurs satisfaits.

Le 18 juin 1815, le duc de Wellington signe la retentissante victoire contre l’armée de Napoléon lors de la bataille de Waterloo. Le mois suivant, Guillaume Ier lui octroie le titre de prince de Waterloo, transmissible à chaque premier descendant masculin des générations suivantes – on parle d’un ordre de primogéniture. Dans un arrêté royal du 29 septembre 1815, le Roi des Pays-Bas y assortit un « gage de la reconnaissance nationale »: un majorat « napoléonien » de 1083 hectares, répartis dans trois zones boisées en périphérie nivelloise. La dotation sera « possédée irrévocablement et à perpétuité par le prince de Waterloo et ses descendants légitimes ».

Le duc ne peut ni vendre les terres ni les produits que génèrent les hectares qui lui sont cédés. De 1817 à 1870, il obtient le droit de défricher intégralement les parcelles boisées pour les convertir en terres agricoles, sans pouvoir bénéficier du produit de la vente du bois. Celui-ci est dès lors inscrit au Grand livre de la dette publique, pour un montant de 2,3 millions de francs-or. Cette disposition, qui constitue à l’époque une forme de prêt à l’Etat belge, aboutit sur la souscription d’une rente: l’Etat ne remboursera pas le capital mais en paiera perpétuellement les intérêts au duc de Wellington.

En 1988, l’Etat belge passe discrètement une convention avec le huitième duc afin de mettre fin à la rente. En contrepartie, ce dernier obtient la pleine propriété sur 25 hectares de la dotation. Si l’accord vise à éteindre la polémique liée à la rente, les terres cédées aux Wellington continuent pourtant à alimenter la controverse, consacrée en 2001 dans le livreWellington et l’argent des Belges ou la seconde bataille de Waterloo (éd. Luc Pire), sous la signature de l’ancien sénateur Jean-Emile Humblet.

« La dotation est inattaquable et incontestable », assène Serge de Meeûs, dont la famille gère le patrimoine foncier des Wellington depuis 1937. C’est notamment vers lui que convergent, chaque année, les revenus liés au fermage à verser au duc – environ 125 000 euros par an. « Le montant des baux est régi par le ministère de l’Agriculture. Quant au duc, il s’acquitte évidemment de l’impôt foncier. Pour l’Etat belge, cette dotation constitue une rentrée d’argent et non une dépense. Pour les agriculteurs, c’est de l’or. Ils disposent de baux de très longue durée avec l’assurance que les terres ne seront jamais revendues. »

Aujourd’hui âgé de 99 ans, le duc n’est plus en mesure d’effectuer le déplacement jusqu’en Belgique. Mais la famille est toujours bien représentée par Arthur Charles Wellesley (69 ans), marquis du Douro et désigné comme le futur neuvième duc de Wellington. Cet ancien parlementaire européen du Parti conservateur s’est reconverti en homme d’affaires depuis quelques années. Administrateur de plusieurs sociétés cotées en Bourse, c’est désormais lui qui rend visite aux fermiers du territoire régi par la dotation. Les agriculteurs qui l’ont accueilli dans un timing parfaitement maîtrisé le décrivent comme un homme simple et avenant.

Il n’existe, en Belgique, aucune autre dotation similaire attachée à un titre nobiliaire.

Le récit dans Le Vif/L’Express encore en vente ce mercredi.

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