"Je serais totalement contre l'extension s'il ne s'agissait que d'un projet commercial." © hatim kaghat pour le vif/l'express

« L’extension de l’Esplanade à LLN, c’est tellement contraire à mes principes, mais… »

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Jean-Luc Roland est un bourgmestre embêté. L’Ecolo ne rejette pas l’extension de l’Esplanade et tente d’expliquer sa délicate position. A l’égard de la plateforme citoyenne et de son propre parti.

En 2014, le collège communal d’Ottignies-Louvain-la-Neuve accordait un permis socio-économique au promoteur immobilier Klépierre pour l’extension de l’Esplanade. Pourquoi ?

Nous avions reçu une demande le 24 juin 2014. Nous disposions de soixante jours ouvrables pour y répondre. En pleines vacances, pas simple ! Pour nous prononcer, nous nous sommes basés sur le rapport d’un bureau d’études. Le fait est qu’il n’y avait pas beaucoup de points à contester. Depuis la  » directive services  » européenne, on ne peut plus s’opposer à un dossier pour des raisons de concurrence. Si nous avons accordé ce permis, c’est aussi parce que nous voulions protéger l’outil par rapport à d’autres projets éventuels qui pourraient affaiblir l’Esplanade. J’ai par exemple entendu des rumeurs concernant un complexe à Wavre, près de Walibi.

Certains vous reprochent de ne pas avoir été transparent.

Le permis socio-économique n’a pas été présenté au conseil communal parce que la procédure ne le prévoit pas. A Ottignies-Louvain-la-Neuve, nous avons toujours développé les mécanismes de participation. Par exemple, pour l’aménagement du centre d’Ottignies et pour le développement des 20 à 25 hectares constructibles autour de la gare, pour lequel nous avions organisé un processus participatif.

Mais la consultation populaire du 11 juin, elle, vous a été imposée.

Oui et non. Au début, nous n’étions pas certains qu’une consultation populaire soit la meilleure formule. On hésitait avec un panel citoyen. Le collège a consulté un professeur de l’UCL, Min Reuchamps, qui nous l’a déconseillé. J’avais également sollicité le fonctionnaire délégué, qui traitera la demande de permis d’urbanisme. Il m’a dit qu’il n’avait jamais été confronté à cette situation, mais que ce qui fondait sa décision n’était pas le nombre de personnes pour ou contre, mais la qualité des arguments. De là est née l’idée d’une consultation populaire permettant de développer des arguments en faveur ou en défaveur. Entre-temps, le collectif citoyen a réuni le nombre de signatures nécessaires pour organiser une consultation au sens strict du décret wallon, soit une réponse par oui ou par non.

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Finalement, les habitants pourront répondre à une question de principe (pour ou contre une extension), mais aussi à vingt autres points. Pourquoi ces interrogations supplémentaires ?

Chez les plus radicaux au sein de la plateforme, on sent l’envie de ne voter que sur le principe, pour que le  » non  » s’exprime. Cela ne servirait à rien ! Moi, j’ai envie de réellement associer les habitants, afin qu’ils puissent expliquer pourquoi ils sont pour ou contre. Pour peser sur une décision, il faut des arguments. Enfin, refuser par principe ouvrirait un boulevard à Klépierre pour d’éventuelles poursuites judiciaires.

Quel est votre position personnelle ?

A ce stade, je ne donne pas mon avis. Je veux être le garant du processus participatif. Et expliquer la démarche.

En tant que bourgmestre, vous devez être sensible à la question de la concurrence : si Louvain-la-Neuve ne se développe pas, d’autres le feront à son détriment…

C’est pour ça que nous avions accordé le permis socio-économique, pour envoyer un signal fort. Il faut densifier les centres et tourner le dos aux complexes au milieu des champs. Mais je serais totalement contre l’extension si elle n’avait qu’un aspect commercial. L’Esplanade est un succès précisément parce qu’il ne s’agit pas que de ça et qu’elle s’inscrit dans une diversité de services, avec le développement parallèle de loisirs, de restaurants, de la dalle piétonne…

Quelles compensations négociez-vous avec le promoteur ?

On en a déjà obtenu, au niveau de la diversité commerciale et de l’intégration du bâtiment dans son environnement. Je suis conscient des attentes : plus de proximité, de circuit court, de commerce équitable… On va développer cela sur la dalle et même jusqu’à la place des Wallons. On va aussi protéger le commerce culturel, notamment les librairies qui se trouvent aujourd’hui en difficulté.

Pourquoi Klépierre assumerait-il ces aspects ? Ne va-t-il pas dire  » c’est l’affaire du public, pas du privé  » ?

Ce n’est pas seulement notre affaire, ce sera la sienne aussi !

L’extension de l’Esplanade ne déforcera-t-elle pas d’autres pôles commerciaux, comme Wavre ?

Je pense qu’une partie du pouvoir d’achat sera rapatriée vers le Brabant wallon. Mais pas au détriment de Wavre. Il faut trouver des complémentarités. Comme c’est d’ailleurs le cas avec Decathlon, qui fonctionne bien avec l’Esplanade. Moins avec le centre de Wavre, je trouve… Nous avons demandé à Klépierre de prendre contact avec les autorités wavriennes pour envisager des synergies.

En tant que bourgmestre Ecolo, votre position n’est-elle pas d’autant plus difficile à tenir ? Au sein de votre parti, nombreux sont les opposants à l’extension.

Que le débat ait lieu, c’est normal. La thématique est sensible, trop pour créer un consensus immédiat. Je reprends une phrase de Jean-Marie Lechat (NDLR : directeur de l’administration des domaines de l’UCL de 1947 à 1997) qui, en apprenant dans les années 1990 la volonté d’un promoteur de construire une galerie commerçante, avait eu un réflexe de rejet à l’égard de ce projet  » tellement contraire à nos principes « , mais qui ne l’avait pas refusé parce qu’il en avait saisi le potentiel.

Une crainte provinciale

« Je ne vois pas comment on pourrait arrêter cette machine. » Fataliste ou réaliste, Alain Dujeu. Si le directeur de l’UCM OLLN a rejoint la plateforme citoyenne, c’est pour faire remonter les craintes des petits commerçants. Pas seulement autour de l’Esplanade : l’extension effraie du Douaire, galerie commerçante d’Ottignies, jusqu’à Nivelles. « Quand on divise toujours plus un gâteau, forcément tout le monde ne mange pas », soupire Eric Hudebine, président de Nivelles Commerces. « Après l’ouverture en 2005, nous avions subi une désaffection forte. Mais, depuis quelque temps, les surfaces vides se remplissent », relate Emile Delvaux, président de l’association des commerçants wavriens, qui craint que cette dynamique soit brisée. Klépierre a contacté les autorités de Wavre « pour trouver des synergies. C’est à la commune de nous dire ce qu’elle souhaite », invite Pierre Hubert, directeur de projet. La bourgmestre faisant fonction, Françoise Pigeolet (MR), n’a pas répondu à nos sollicitations.

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