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L’exorcisme, une pratique toujours bien vivante en Belgique

Montasser AlDe'emeh
Montasser AlDe'emeh   Montasser AlDe'emeh étudie la radicalisation islamique, le jihad international et les combattants belges en Syrie. (Université Radboud de Nimègue)  

L’exorcisme reste une pratique largement répandue en Belgique. À la demande de nos confrères de Knack, le chercheur Montasser AlDe’emeh s’est plongé dans le monde des exorcistes.

Certains exorcistes étalent leurs activités sur les réseaux sociaux. L’exorciste salafiste Abdelkarim Aznagui se dit fier de son travail. Il y a cinq ans, il a été condamné à trois ans d’emprisonnement conditionnel, après un exorcisme qui a coûté la vie à Latifa, une jeune musulmane de vingt-trois ans.

Latifa est forcée de prendre des bains brûlants « purifiants » en récitant le Coran. On la frappe à coups de balai, et on lui fait boire des litres d’eau au safran. Pendant des jours, on ne lui donne presque rien à manger. Après 56 jours de ce traitement, elle finit par succomber. Le tribunal conclut à la torture.

Au Maroc, au moment de la mort de la jeune fille, Aznagui travaille toujours comme raqi (exorciste) et il ne s’en cache pas. Il est même prêt à en parler. « Je m’occupe en permanence d’exorcismes », raconte-t-il. « Les gens continuent à venir me voir. J’ai déjà fait des milliers d’exorcismes. »

L’homme prétend qu’il peut prouver que les diables existent et peuvent entrer dans les corps. « Le hadith contient l’histoire d’une femme qui est allée voir le prophète parce que son homme tombait tout le temps par terre. Le Prophète l’a touché en disant : « Sors de là, ennemi de Dieu. » Pourquoi le Prophète dirait-il cela si un djinn ne pouvait pas entrer dans un corps ? Pour moi, cela prouve que c’est possible, même si tous les courants islamiques ne croient pas que les djinns soient effectivement capables d’entrer dans le corps humain. Pourquoi le Prophète parle-t-il de l’ennemi de Dieu ? Tant les humains que les djinns peuvent devenir les ennemis de Dieu. »

L’exorcisme est tout sauf une matière exclusivement islamique. Ainsi, le pape François a déclaré récemment que les prêtres ne devaient pas hésiter à engager un exorciste en cas de certains troubles spirituels.

Même si l’exorcisme au sein de l’Église catholique a deux mille ans, il se pratique toujours très activement. Le site web kerknet.be, par exemple, indique une formation pour exorcistes au Vatican, une initiative qui a lieu en coopération avec l’Association internationale pour Exorcistes.

Tous les jours

Au sein de l’Église, on compte encore des centaines d’exorcistes. Y compris en Belgique. Il n’y a pas si longtemps, l’Abbaye d’Averbode accueillait annuellement environ mille personnes possédées par le diable. Et si le nombre a baissé, il y a encore « tous les jours des gens qui passent nous voir à ce sujet », affirme l’abbé Jos Wouters.

Cependant, à l’abbaye il n’est jamais question de hurlements, d’attouchements physiques et encore moins de torture. « La première guérison miraculeuse de Jésus, a été de chasser un mauvais esprit. J’ai déjà eu beaucoup de longues conversations spirituelles avec des personnes qui ont besoin d’une oreille attentive parce qu’elles pensent être possédées. Je prends toujours leurs histoires au sérieux. Il se pourrait bien qu’un mauvais esprit et ce qu’on appelle la schizophrénie soient la même chose. C’est peut-être tout simplement un autre registre linguistique. La seule chose qui justifie un exorcisme, c’est que les gens aient besoin d’aide. Parfois, il faut avoir l’humilité de respecter une tradition et de communiquer avec les gens qui cherchent de l’aide dans le cadre de cette tradition », raconte l’abbé.

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