Hendrik Vos

« L’Europe ne nous laisse pas le choix »

L’ANNÉE 2012 S’ANNONCE COMME celle des économies budgétaires. Les négociateurs gouvernementaux ont trouvé, in extremis, 11,3 milliards d’euros pour boucler le budget de Di Rupo Ier.

Des allocations sociales sont revues à la baisse et la déduction fiscale de mesures permettant d’économiser l’énergie a été supprimée. L’exécutif flamand, quant à lui, a laissé entrevoir, début janvier, une nouvelle baisse de ses dépenses. Les transports en commun et les administrations locales devront se serrer la ceinture.

On a coutume de dire que nous n’avons pas le choix : « C’est l’Europe qui le veut. » Ainsi l’Union européenne fait-elle régulièrement figure d’alibi s’il faut faire passer des mesures impopulaires. Nous oublions que ce sont les gouvernements des Etats membres, dont le nôtre, actifs dans toutes les instances européennes, qui ont décidé qu’aucun pays ne pourra plus afficher d’importants déficits. Les députés au Parlement européen, que nous avons élus, ont aussi leur mot à dire. Une nette majorité d’entre eux s’est rangée aux diverses propositions visant à punir plus ou moins automatiquement les pays qui laissent dérailler leur budget. L’Europe n’est pas une idée abstraite – nous en faisons partie et sommes associés à tous les choix politiques.

Qui plus est, lors de la formation du gouvernement, les recommandations européennes ont été traitées de manière fort sélective. Les libéraux flamands ont jeté leur dévolu sur les pensions et les allocations de chômage. L’Europe – il est vrai – se soucie de l’accroissement des coûts des retraites en Belgique et s’interroge sur notre système de chômage. Mais l’Europe souhaite aussi que la Belgique lève des impôts écologiques. Et fasse davantage d’efforts pour mieux accompagner les moins favorisés dans la recherche d’un travail. La législation européenne nous oblige aussi de réaliser des économies d’énergie et d’augmenter très sensiblement notre part d’énergies renouvelables. Or nous nous cachons derrière l’Europe chaque fois qu’il faut annoncer des mesures d’économies, en faisant semblant d’oublier que l’Europe attend beaucoup plus de nous, dans d’autres domaines.

Certes, l’Union insiste très fort sur l’équilibre budgétaire. D’autres objectifs européens, comme la lutte contre la pauvreté, des investissements accrus dans la recherche et développement ou des mesures devant prévenir la sortie prématurée des jeunes de l’école, ont été relégués au second plan. La préoccupation européenne des assainissements budgétaires a tout à voir avec la crise de l’euro. Personne ne conteste aujourd’hui que les Etats membres doivent lever correctement les impôts et s’abstenir de faire de folles dépenses.

L’établissement des budgets doit obéir à des règles strictes. Sinon, des pays risquent de se retrouver dans de sales draps, et ce sont finalement tous les Européens qui en supporteront les conséquences désagréables.

Mais la crise de l’euro ne peut être résolue si la discipline budgétaire est la seule priorité. Dans plusieurs pays, de lourdes mesures d’économies ont été prises, mais la confiance des marchés ne s’est pas rétablie pour autant. Un pays comme la Grèce s’est tué à la tâche en imposant à sa population une austérité draconienne, mais l’économie hellénique n’en est pas du tout sortie renforcée. Les assainissements causant une forte baisse du pouvoir d’achat et un accroissement considérable de la pauvreté se sont toujours révélés contre-productifs. Le fait de privilégier les seules mesures d’économies bloque les investissements. Or c’est justement à ceux-ci qu’est suspendu le redémarrage du moteur européen : des investissements malins, garants d’une croissance durable.

Hendrik Vos, Directeur du centre d’études européennes de l’université de Gand

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