Hendrik Vos

L’Europe ballottée entre le chaos et l’espérance

Un « Grexit » causera de graves désordres à la zone euro tout entière.

Aujourd’hui, l’Europe est soumise à une très forte pression. La fin de l’euro est évoquée avec une insistance grandissante. La France, la destination de vacances favorite des Flamands, a renoué, en la personne de François Hollande, avec un social-démocrate à la présidence de la République. Des partis flamands ont protesté contre la sympathie qu’Elio Di Rupo a montrée ouvertement pour Hollande. Un faiseur d’opinion flamand a prévenu que le tandem merkozy ne serait pas remplacé par mer-lande, mais probablement par mer-de. La victoire de Hollande ne ferait qu’aggraver la crise de l’euro, craignait-on. Les premiers signes indiquent toutefois que Hollande n’est pas un homme isolé. Son appel en faveur de la croissance et de l’emploi est soutenu par de plus en plus de leaders européens. Entre-temps, il est devenu manifeste que des économies draconiennes ne suffisent pas à juguler la crise européenne. Les marchés financiers ne s’apaisent pas, le chômage augmente, la contestation sociale et l’instabilité politique se profilent à l’horizon. La conjoncture ne peut reprendre son envol si des pays sont menés à l’état de pauvreté.

La grande nervosité qui règne sur les marchés financiers n’est pas imputable à la victoire de Hollande. Elle est due aux péripéties que vivent deux autres pays où le soleil aime prendre ses quartiers : la Grèce et l’Espagne. Dans ce dernier pays, les banques sont au plus mal. Celles-ci ne pourront survivre sans des injections massives de capitaux. Seule l’Europe peut les sauver.

La Grèce constitue le problème le plus aigu. Le pays s’est épuisé à faire des économies. Il est naturel que les Grecs aient voté pour des partis qui leur ont promis de mettre un terme à leurs sacrifices. La formation d’un gouvernement fut dès lors impossible et de nouvelles élections seront organisées le 17 juin. Si les partis anti-économies sortent renforcés des urnes, l’Union européenne et le FMI menacent de fermer le robinet de leurs aides financières. Ainsi s’engagerait une dynamique menant à une faillite chaotique de la Grèce. Le pays serait obligé de réintroduire la drachme avec, à la clé, une inflation galopante et des magasins vides. Les leaders européens avouent que ce scénario n’est pas imaginaire. Mais plus ils réfléchissent, plus il est clair qu’un « Grexit » causera aussi d’importantes pertes financières et de graves désordres aux autres pays de la zone euro.

La situation future de l’Europe est tout à fait imprévisible. Que faire si les Hellènes optaient pour une solution extrême le 17 juin ? Que se passera-t-il si l’Espagne et l’Italie devaient s’acquitter d’un taux de 7 % insoutenable pour financer leurs emprunts ? Si la zone euro se morcelait ? Si, par prudence, les Portugais retiraient en masse leur argent des banques avant que celui-ci ne soit converti en escudos de piètre valeur ? Si tous les jeunes chômeurs organisaient une marche sur Bruxelles ?

Le changement d’orientation politique inauguré par François Hollande donne à espérer. L’instauration d’une politique de relance ouvrirait de nouvelles perspectives. Mais les mesures envisagées sont trop limitées et ne porteront pas tout de suite leurs fruits. Ce sera un nouveau départ prometteur. L’Europe est ballottée entre le chaos et l’espérance. Elle jouera son avenir dans les semaines à venir.

Hendrik Vos, Directeur du centre d’études européennes de l’université de Gand

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