Christine Laurent

L’été meurtrier

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

ÇA TANGUE, ÇA TANGUE. AU POINT DE DONNER DES HAUT-le-coeur. Du pur émotionnel, affirment les spécialistes. Certes. Mais la panique est moutonnière et depuis la dégradation de la note des Etats-Unis par Standard & Poor’s, tous les marchés se sont embrasés.

Par Christine Laurent

L’une après l’autre, les places boursières ont dégringolé. Le choc ! On a osé, le prestige de la première puissance mondiale est entaché ! Pourtant, l’agence de notation américaine n’a fait que dire tout haut ce que les professionnels pensaient tout bas depuis des années : l’empire américain est en déclin et vit au-dessus d’un gouffre. Impact psychologique maximum et dévastateur ! Un tabou tombe outre-Atlantique et c’est le monde entier qui s’enflamme. Un été pourri, un été meurtrier.

Trop de dettes, trop de déficits et trop de spéculateurs en errance. Qui va se retrouver bientôt dans le radar des agences de notation ? La chasse est ouverte. Et les pays européens de trembler. A qui le tour ? L’Italie, l’Espagne ? La France ? Pis, la Belgique ? Tous endettés. Tous dans le collimateur. Tous désespérément à la recherche des recettes miracles susceptibles de réduire les déficits et de redoper la croissance. Hélas, hélas, il n’y en a pas. Entre-temps, les marchés et les places financières imposent le tempo. Avec toujours un coup d’avance. Sous leur pression, les gouvernements s’affolent. Que faire ? Mettre en place une politique de rigueur drastique ? Les investisseurs pointeront alors le manque de croissance qui freine le business. Soutenir massivement l’économie ? Les mêmes ne manqueront pas de fustiger l’augmentation des déficits. Bref, les politiques sont pris dans une véritable tenaille. Pendant que la zone monétaire, elle, vacille. Les défaillances y sont nombreuses, l’entente entre les partenaires, bien difficile. Véritable piqûre de rappel, les derniers événements confirment qu’il est urgent de réformer le système européen en faveur d’un vrai fédéralisme budgétaire. Mais il est susceptible d’ébranler les prérogatives nationales. Le prix à payer pour échapper au bricolage actuel, lourd, décalé, incapable d’apporter les bonnes réponses quand la planète financière déraille. Oui, la crise peut favoriser un changement profond. Mais il faut le vouloir.

Si le destin des 17 pays de la zone euro est lié à l’Europe, chacun d’entre eux va toutefois devoir sérieusement revoir ses comptes. A commencer par la Belgique, bon élève, sans doute, mais qui ne pourra plus survivre grâce à des rustines et de la plomberie plus ou moins hasardeuses. Il faut un budget pour 2012, très vite. Elio Di Rupo, Yves Leterme, les huit partis, tous volontaires ! Tous ? Pas sûr. L’un d’entre eux résiste : Wouter Beke. Le président du CD&V a rappelé qu’il exigeait, comme préambule à toute négociation, un accord sur BHV. L’institutionnel d’abord, le socio-économique, après ! Comme si, dans le contexte actuel, une décentralisation accrue du pouvoir allait renflouer massivement les caisses et tromper la vigilance zélée des Moody’s, Standard & Poor’s et compagnie ! Elles s’en fichent de BHV, les agences de notation ! Seules des perspectives positives et de vraies solutions pour sortir de la récession et régler le financement des retraites sont de nature à les rassurer. Or on est loin du compte ! Et c’est là que le bât blesse. En cause, le clivage gauche-droite sur lequel les huit partis risquent de déraper. Pas touche aux impôts, prévient déjà une partie de la droite. Pas touche aux allocations sociales, avertit une partie de la gauche… Explosif ! Pour preuve, les réactions épidermiques des uns et des autres après la publication de la note Di Rupo. In fine, c’est à nouveau le gouvernement en affaires courantes qui pourrait hériter du dossier. Las, ce n’est pas demain que Leterme va faire ses valises pour filer dans la planque de ses rêves, ça c’est sûr !

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