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L’Etat n’a pu s’expliquer quant au manque de vérifications sur la situation au Soudan

Aucun des moyens invoqués par l’Etat devant la cour de cassation ne permettait d’expliquer pourquoi il n’avait pas entrepris les vérifications nécessaires quant au risque de traitement inhumain encouru par une personne renvoyée vers le Soudan.

C’est en substance ce qu’a répondu la Cour de Cassation à l’Etat belge, dans son arrêt rendu mercredi, et dont Belga a pu prendre connaissance vendredi. L’Etat belge s’était pourvu en Cassation contre un arrêt de la chambre des mises en accusation de Bruxelles ordonnant la libération d’un réfugié soudanais.

La Cour de Cassation a rejeté mercredi le pourvoi de l’Etat belge contre l’arrêt de la chambre des mises en accusation de Bruxelles qui ordonnait la libération d’un réfugié soudanais. Cet homme, défendu par Me Guillaume Lys, avait été privé de sa liberté en vue d’être expulsé de la Belgique vers son pays d’origine, le Soudan.

Dans son arrêt rendu mercredi, consultable depuis vendredi, la Cour de Cassation a répondu aux trois arguments de l’Etat pour aboutir à la conclusion qu’ils n’étaient pas fondés.

Tout d’abord, l’Etat belge a soulevé que la chambre des mises en accusation de Bruxelles avait erronément interprété un courrier du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Selon lui, ce courrier affirme que « seuls les ressortissants soudanais provenant de trois régions délimitées, à savoir le Darfour, les Etats du Nil bleu et le Korofan du Sud, pourront bénéficier de la protection subsidiaire […] ».

A cela, la Cour de Cassation répond que la chambre des mises en accusation, qui relève que « le Soudan est soumis à une situation générale qui demeure préoccupante en raison de violations persistantes de droits de l’homme » n’est pas une interprétation « inconciliable » avec les termes du courrier du CGRA. Et la Cour ajoute que la chambre des mises ne s’appuyait pas, pour affirmer cela, que sur le courrier du CGRA, mais aussi sur des rapports d’Organisations non Gouvernementales (ONG).

Ensuite, l’Etat belge a avancé que le défendeur « est resté en défaut d’apporter le moindre commencement de preuve d’existence d’un tel risque [celui que les droits de l’homme soient violés], que ce soit au niveau de la situation généralisée au Soudan ou au niveau de sa situation personnelle ».

A cet argument, la Cour de Cassation rétorque que tant qu’il est à nouveau basé sur l’hypothèse d’une « inexistence d’un climat général de violence au Soudan », déjà rejetée, ce second argument l’est de même.

Les juges de la Cour ajoutent que les juges d’appel ont légalement justifié leur décision en établissant qu' »après avoir constaté que le défendeur est un ressortissant soudanais et que son rapatriement devait se faire vers son pays d’origine, eu égard aux informations connues, soit une situation générale au Soudan qui demeure préoccupante en raison de violation persistantes des droits de l’homme […], il appartenait au demandeur de faire préalablement les vérifications nécessaires, notamment au regard de l’article 3 de la Convention des droits de l’homme », qui interdit la torture.

Enfin, L’Etat a attiré l’attention de la Cour sur le fait que les juges d’appel affirmaient que le défendeur n’avait pas pu être entendu. Or, la loi ne le prévoit pas.

La Cour de Cassation dit de ce dernier argument qu’il est sans intérêt, car les juges d’appel ont basé leur décision sur l’absence de vérification de l’Etat quant au risque d’une violation de l’article 3 de la Convention, soulevé dans des rapports d’ONG, en cas de retour du défendeur au Soudan, et non sur le fait que ce dernier n’avait pas pu donner son point de vue.

Par ces motifs longuement étayés, la Cour a rejeté le pourvoi de l’Etat belge.

Le 4 janvier dernier, la chambre des mises en accusation de Bruxelles avait affirmé que l’Office des Étrangers n’avait pas vérifié toutes les informations nécessaires concernant la situation actuelle au Soudan avant d’expulser un ressortisant soudanais. Elle avait donc ordonné la remise en liberté de cet homme, détenu en vue d’être rapatrié dans son pays d’origine.

Les juges de la chambre des mises en accusation avaient pointé un manque de prudence de l’Office des Etrangers et du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken dans la gestion des dossiers soudanais.

Selon eux, les autorités belges concernées ont négligé le risque de soumission à la torture et à des traitements inhumains pour les ressortissants soudanais renvoyés dans leur pays natal.

L’Office des Étrangers avait ensuite annoncé qu’il introduirait un pourvoi en cassation contre cette décision de la chambre des mises en accusation. « Nous pensons que la décision ne correspond pas à celles d’autres juges dans des affaires similaires », avait déclaré la porte-parole de l’Office, Dominique Ernould.

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