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L’école privée fait sa pub

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Des écoles privées tentent d’attirer des parents « en manque de places » dans l’école de leur choix. Un marché florissant ? Que peut-on avoir aujourd’hui pour 15 000 euros ? Une voiture, de splendides vacances au soleil, une nouvelle cuisine… Ou bien encore une place dans une « bonne » école pour votre enfant.

En cette période d’inscription en première secondaire, c’est ce que propose l’école privée Montgomery, située à Bruxelles. Dès septembre prochain, elle ouvre un cycle complet, soit les six années du secondaire. Elle aurait déjà des candidats. « Nous nous adressons notamment aux parents dont les enfants n’ont pu obtenir une place dans l’école de leur choix, indique l’établissement. Les conditions actuelles d’accès au marché scolaire sont telles qu’envisager l’obtention du CESS (NDLR : le diplôme de secondaire) via des structures parallèles à l’enseignement classique s’impose pour de plus en plus de parents. »

Toutefois, l’école n’est pas habilitée à délivrer de diplôme officiel : ses élèves passent l’épreuve du jury de la Communauté française. Et les cours y sont facturés 1 000 euros par mois.
A l’image de cette école privée, d’autres établissements, qui se concentrent sur Bruxelles et le Brabant wallon, tentent d’attirer – à coups d’annonces et de lettres adressées au domicile familial – des parents angoissés qui n’ont pu inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. On compte une vingtaine d’établissements privés non subsidiés (les familles financent leur fonctionnement), qui n’entretiennent pas nécessairement de liens entre eux. Un petit ensemble au périmètre très limité : un millier d’élèves, une goutte d’eau rapportée aux… 700 000 élèves scolarisés dans les réseaux classiques. Pour voir le jour, ils s’appuient sur la liberté d’enseignement – n’importe qui peut ouvrir une école – mais n’offrent aucun diplôme. « Ce type d’école se constitue sur une niche : accueillir des élèves en échec scolaire et leur offrir un ultime recours en les préparant aux jurys », explique David-Ian Bogaerts, qui dirige la Brussels School, à Waterloo, « une boîte à bac pour gosses de bonne famille » fondée il y a cinquante ans par son père Rudy.

L’option est coûteuse, entre 375 et 1 250 euros mensuels. Mais « en dessous de 1 000 euros par mois, il faut se méfier de la qualité proposée… », glisse dans la foulée David-Ian Bogaerts. Beaucoup sont menacées de fermeture dès que l’investissement des parents se réduit. C’est ce qui est arrivé à Facqueval, une école-internat de jury qui, en décembre, a mis la clé sous le paillasson en raison du nombre insuffisant d’inscrits.

Une vraie demande ?

Faute à un « manque » de places dans les réseaux de la Communauté française, les écoles privées répondent-elles à une vraie demande ? « C’est une idée fausse : il n’y a pas d’arrivées massives à cause du décret Inscription. Le public des écoles de jury est assez spécial et on y arrive plus tard, vers 15-16 ans, après avoir redoublé », poursuit David-Ian Bogaerts.

En revanche, de plus en plus de familles belges se tourneraient vers les établissements internationaux. Difficile, cependant, de mesurer avec précision le phénomène. Mais il est confirmé par nos interlocuteurs. Malgré des coûts très élevés : de l’ordre de 12 000 à 20 000 euros de frais annuels. « Je vois un net intérêt de la part de parents non expatriés. Motivées, certaines familles (grands-parents, oncles et tantes…) vont jusqu’à se cotiser pour financer l’inscription de leurs enfants », témoigne un directeur d’une école internationale bilingue. « Nous proposons parfois un arrangement et des parents paient sur trois ans le cursus d’un an. » Pourquoi ces parents sont-ils prêts à dépenser tant alors que l’école publique est gratuite ? Ils se disent « déçus du décret » et y cherchent « l’encadrement, l’immersion et, de plus en plus, une qualité protectrice ».

SORAYA GHALI

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