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L’amour fou des Storme

Le procès de Léopold Storme, devant les assises de Bruxelles, se déroule dans une atmosphère pesante, accablée par la dimension humaine du drame des Marolles. Un fils aimant qui, peut-être, s’est transformé en tueur.

Par MARIE-CÉCILE ROYEN

Indubitablement, il s’agit d’une famille soudée, aimantée par la grand-mère Storme, une vieille dame au chignon tiré qui a dûêtre belle, d’une aisance admirable malgré les épreuves. Elle a reporté sur Léopold l’amour qu’elle nourrissait pour François-Xavier, le fils avec lequel elle a toujours travaillé (d’abord dans les cafés Storme, tombés en faillite, puis comme antiquaire). Dans la salle de la cour d’assises de Bruxelles, ses petites-filles viennent l’enlacer ; son fils aîné, Vincent, et sa fille, la benjamine, Anne-Frédérique, se relaient à ses côtés. Une belle famille. Et lovée en son coeur, une énigme : Léopold, le petit-fils chéri, le chérubin aux « 36 bêtises » mais tellement « adorable », est-il le tueur au couteau qui a assassiné ses parents et sa s£ur Carlouchka, le samedi 16 juin 2007, dans le magasin familial des Marolles ?

Aucune autre hypothèse crédible n’a émergé de l’enquête, menée avec soin par la juge d’instruction Berta Bernardo-Mendez. Vincent Storme n’a pas exclu d’évoluer dans ses convictions. « Je suis là pour savoir ce qui s’est passé ce jour-là, pour entendre ce qui nous ferait énormément de peine… Le procès est lancé, il y a beaucoup d’éléments à découvrir… Je suis toujours persuadé de l’innocence de mon filleul. Mais je veux découvrir ce qui m’a enlevé le frère [silence, sa voix se brise] qui était toute une partie de ma vie. Ma belle-soeur et Carlouchka étaient extraordinaires, et c’est pour cela que je suis là. »

Un look de collégien démodé Dans son box, l’accusé, 23 ans, est resté figé. Il a le visage fermement modelé, avec un air d’enfant. Ses cheveux noirs épais, séparés par une raie sur le côté, le font ressembler à un collégien démodé. Mais lorsqu’il sourit en regardant sa grand-mère ou ses cousines, ses lèvres se pincent, ses yeux brillent. Ce garçon à la fois bizarre et affectueux, qui reconnaît avec légèreté tous les mensonges qu’on lui attribue, est peut-être en état de déséquilibre mental. Il le nie. Mais si c’était le cas, il aurait trompé sa famille et une partie du corps médical. Seul le premier collège d’experts qui l’a examiné n’a eu aucun doute sur sa « pathologie mentale grave et avérée ».

A l’adolescence, tel Rimbaud, Léopold goûtait à tous les plaisirs (la drogue, le sexe, l’argent) et verbalisait, dans un chat : « Quoi qu’on pense, il y a de la place pour le mal dans ce monde. » Non, Léopold n’était pas un ange. « Marre de te voir arnaquer des potes », lui écrivait « Coco », un membre du réseau Wallace (trafic de cannabis). A partir de quand la plaisanterie a-t-elle mal tourné ?

François-Xavier Storme, le père, avait de gros soucis d’argent. La dernière fois où son frère Vincent l’a vu, c’était à un concert des Rolling Stones, il était « silencieux », alors qu’en pareilles circonstances, très extraverti, il aurait attiré sur lui tous les regards. Sa s£ur Anne-Frédérique l’avait trouvé »triste », sa mère, « nerveux »… Léopold a expliqué que, le jeudi 14 juin, après un examen à l’ULB, il a vu son père au magasin mais, arrivé à l’heure de fermeture du magasin, il n’avait pas pu l’aider à déplacer des tapis. Aucun mot sur une dispute éventuelle. Mais, le soir même, il se renseignait sur les horaires de train lui permettant de faire un rapide aller-retour Ostende-Bruxelles le samedi 16 où il aurait été censéétudier à la mer. Le jour du drame. Un devoir complémentaire demandé par la présidente de la cour d’assises, Karin Gérard, a permis de découvrir que, l’avant-veille, le 14, Léopold avait aussi demandéà son ami Laurent D., où trouver un « couteau de fou »à Sluis (Pays-Bas). Dans l’argot jeune, un couteau de combat.

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