Gérald Papy

L’Afrique qui gagne

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dimanche soir, le son mélodieux des vuvuzelas aura déserté les stades et les écrans de télévision. Ce n’est pas ce que les amateurs de ballon rond regretteront le plus de cette première Coupe du monde de football organisée sur le continent africain.

Par Gérald Papy

Exploits, coups du sort, émotions, le Mondial 2010 aura été riche en images fortes. C’est la loi du genre de ces grands rendez-vous planétaires où des compétiteurs, même portés par une ambition nationale, semblent communier – ou communient – dans un élan fédérateur autour de la noblesse du sport. S’estompe alors pour un temps l’ombre des dérives que l’hyper-commercialisation contemporaine de ces disciplines a engendrées : « starification », explosion inconsidérée des salaires, marchandisation, dopage…

Oubliées, les craintes de nature politique et sécuritaire. Cette primauté du commentaire strictement sportif est l’illustration la plus éloquente qu’aucun manquement en termes d’organisation n’est venu interférer le déroulement de la compétition et, somme toute, sauf gros couac de dernière heure, que la Coupe du monde de football en Afrique du Sud a été une réussite. Il y a un mois, le doute subsistait sur la capacité du continent africain à assumer cette responsabilité.

Un pays l’a fait, l’Afrique du Sud. Et c’est toute l’Afrique qui en sort gagnante. Non sportivement, vu les déboires de ses équipes, hors le valeureux Ghana, mais économiquement et politiquement. Peut-être retiendra-t-on que c’est au tournant de la première décennie du xxie siècle qu’a diamétralement changé, dans la perception occidentale, l’image du continent noir. Grâce à ce succès sud-africain, à l’éclosion de quelques « tigres économiques » et à l’attention très intéressée que portent désormais à ses ressources mais aussi à son développement des pays émergents.

Sur la terre de Nelson Mandela et de Jacob Zuma, les retombées touristiques, industrielles et financières ne pourront être évaluées qu’à moyen terme ; elles devraient logiquement doper la – déjà – plus prospère économie du continent. L’organisation du Mondial a, en outre, uni la nation arc-en-ciel comme jamais sans doute depuis la fin de l’apartheid en 1990. Faut-il parer un événement sportif de vertus et d’un pouvoir qu’il n’a a priori pas ?

L’état de grâce pourrait n’être qu’éphémère. Voyez les pauvres Bleus. Au palmarès de la popularité en Europe, la Coupe du monde 2010, quel que soit son dénouement, aura consacré le passage de flambeau entre la France et l’Allemagne, entre les fantômes de l’équipe « black, blanc, beur » de 1998 qui ont lamentablement fait naufrage et une Mannschaft qui a tiré de ses fondamentaux allemands mais aussi de ses apports polonais, turc, tunisien, ghanéen la puissance de son collectif. Le même cocktail, à vrai dire, qui avait porté les Français au pinacle et dont les… Allemands se sont inspirés en 1999 en réformant leur loi sur la citoyenneté. Les Podolski et autres Özil sont-ils pour autant exposés à semblable désillusion ? Dans un pays marqué par « la peur inhibitrice résultant de l’obsession de son histoire », selon la formule d’Egon Bahr, l’ancien ministre du chancelier Willy Brandt, l’heure est peut-être venue de l’affirmation sereine d’une puissance respectée et décomplexée. A l’instar de l’Afrique du Sud.

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