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L’affaiblissement de l’UE risque de fragiliser la Flandre

Jonathan Holslag
Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

Pour le professeur Jonathan Holslag (VUB), il y a peu de régions économiquement aussi dépendantes de l’Europe que la Flandre.

L’Europe s’effrite à un rythme rapide. Nous n’avons pas encore assimilé le Brexit que déjà s’accumulent de gros nuages noirs au-dessus de la Méditerranée. La situation politique en Italie souligne à nouveau la vulnérabilité de la zone euro, alors que la réaction des États membres du nord indique une méfiance et une incompréhension grandissantes. « Les bourses apprendront à l’Italie comment voter », affirmait le commissaire européen allemand Günther Oettinger. Il s’est attiré les foudres des Italiens qui dénoncent l’arrogance et l’hégémonie allemandes. Et on ne parle même pas de la turbulence en Europe de l’Est. La crise rampante de l’Europe se poursuit, et nous ne savons pas comment la gérer.

Il y a peu de régions économiquement aussi dépendantes de l’Europe que la Flandre. Si l’affaiblissement continu de l’Union européenne se poursuit, la Flandre risque d’être vulnérable. À court terme, ce sont surtout les exportations flamandes qui sont menacées, et certainement si un nouveau ralentissement de croissance incite d’autres états membres à faire baisser les impôts ou les salaires. La situation devient tout à fait problématique si les états membres limitent subtilement l’accès à leur marché. À long terme, l’incertitude à propos de l’euro demeure. L’euro a été créé par les politiciens et peut donc être détruit par les politiciens.

Ces derniers mois, j’ai entendu un certain nombre de politiciens flamands affirmer que cela peut créer des opportunités, de lancer une nouvelle union monétaire avec les états membres forts. Je ne sais pas si ces positions sont sérieuses, mais elles sont caractéristiques de l’incapacité de manoeuvrer. Rien que l’idée : que l’économie belge affaiblie lance une union monétaire avec des pays forts comme les Pays-Bas et l’Allemagne. C’est de la folie. La Flandre aussi est réticente en matière de l’harmonisation fiscale de l’Europe, mais comme c’est une petite économie elle souffrira le plus d’une baisse de charge compétitive. Il y a aussi peu de cohésion dans la réflexion stratégique flamande sur l’Europe qu’en Europe elle-même. Mais que faisons-nous ? Nous n’avons pas beaucoup d’emprise sur l’avenir de la zone euro et de l’Union européenne en général.

Quelles sont les options? Stimuler plus de commerce en dehors de l’Union européenne? Ma foi, l’accès aux marchés en dehors de l’Europe est encore plus limité. Pensez au protectionnisme de Donald Trump, au nationalisme économique de la Chine ou aux nombreuses restrictions en Inde. Il y a peu de chances que la Flandre réussisse à réorienter ses exportations. Même les Pays-Bas, qui possèdent une diplomatie économique beaucoup plus forte que la nôtre, n’ont pas réussi.

Pour moi, il faut rendre notre économie moins dépendante des marchés étrangers. En premier lieu, cela signifie proposer un maximum de producteurs intérieurs aux consommateurs intérieurs. Et pas, comme on le fait souvent, laisser bouffer notre marché par des entreprises étrangères qui doivent leur position en grande partie à un marché natal protégé, à toutes sortes de faveurs fiscales, au dumping social, au presque-monopole ou à d’autres perturbations du marché. J’entends déjà les prophètes dogmatiques du libre-échange, mais dans ce monde nous devons être réalistes. Cela implique aussi d’investir nous-mêmes et de ne pas nous adresser systématiquement aux grands pays voisins pour combler nos besoins en investissements, en énergie, etc. Cela ne fait que nous fragiliser. Faites de l’espace pour les entreprises, laissez-les se concurrencer entre elles, mais préservez-les de concurrence problématique de l’extérieur.

D’autre part, nous devons continuer à réfléchir à comment renforcer le marché européen. La Flandre devrait, par exemple, insister auprès de la Commission européenne pour mener une politique commerciale beaucoup plus ferme contre le nationalisme économique de Pékin et Washington. Nous devons réfléchir à comment transformer les inévitables transferts de milliards de pays de surplus vers des pays qui ont un déficit en investissements qui augmentent la productivité. Nous devons investir l’argent en nouvelles industrie et villes intelligentes dans le sud, au lieu d’acheter uniquement des obligations d’état et résidences secondaires.

Le réalisme économique doit être le leitmotiv. Pour notre économie, nous devons nourrir l’ambition d’aspirer à la productivité, la durabilité, la créativité et la dignité, et surtout éviter de devenir trop dépendants de l’extérieur. En soi, la dépendance si elle est mutuelle n’est pas un problème sauf que souvent ce n’est pas le cas.

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