Laurence Van Ruymbeke

L’absentéisme au travail ne cesse de croître

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

C’est l’histoire, connue, du serpent qui se mord la queue. Selon les résultats, prévisibles, de l’enquête menée par le prestataire de services en ressources humaines Securex, le taux d’absentéisme au travail dans le secteur privé ne fait que progresser.

L’absentéisme au travail atteint désormais le seuil inégalé à ce jour de 6,26 %. L’an dernier, il n’était « que » de 5,95 %. Ce qui frappe dans ces derniers chiffres, relatifs à 260 000 travailleurs, c’est la progression de l’absentéisme de longue durée, c’est-à-dire de plus d’un an. Ces dernières années, c’est ce type d’absences qui progresse le plus : + 5 % en 2011, + 10 % en 2012 et + 12 % en 2013. Au point qu’il dépasse aujourd’hui l’absentéisme de moins d’un mois. En moyenne, en 2013, un travailleur malade manquait à ses collègues durant 14,05 jours, contre 13,16 jours un an plus tôt.

En cause : le vieillissement de la population et le stress au travail.

Le vieillissement ? Cela tombe plutôt sous le sens. Les plus de 50 ans représentent une part de plus en plus importante de la population active. Ils sont moins souvent absents que leurs jeunots de collègues mais ils le sont plus longtemps. C’est l’un des effets pervers, si l’on peut dire, du recul de l’âge du départ en prépension.

Le stress ? C’est là que le serpent se mord une première fois la queue. Car les palpitations, les insomnies, les troubles de la concentration, les maux de tête ou les colères soudaines, responsables de 37 % des jours d’absence l’an dernier, sont dus au fonctionnement du monde du travail lui-même. Avec, à la clé, un coût faramineux de 10,6 milliards d’euros, dont une bonne part pour les employeurs. Ceux-ci doivent en effet assurer le salaire mensuel garanti des absents, mais aussi financer des coûts indirects comme celui de la réorganisation du travail, du remplacement temporaire des malades ou des heures supplémentaires assumées par d’autres. Le coût des absences de longue durée est, lui, pris en charge par les mutualités, c’est-à-dire, in fine, par toute la collectivité. C’est cher payé pour un défaut de prise en considération, en amont, du facteur stress.

C’est d’autant plus frappant que les métiers les plus touchés par l’absentéisme de longue durée représentent, sans surprise, une charge physique ou mentale importante pour leurs salariés. Ils sont aussi, le plus souvent, frappés par des pénuries de main-d’oeuvre (infirmiers, aides-soignants, agents de propreté, aide aux personnes âgées…). Or ces pénuries, tout le monde le sait, ne s’arrangeront pas d’elles-mêmes.

Tous ces constats sont donc incroyablement prévisibles. Malgré cela, malgré les signaux d’alerte régulièrement lancés, les chiffres du burn-out qui explosent, le manque de valorisation de métiers-clés dans l’accompagnement des personnes, rien ne bouge ou si peu. Faut-il toujours aller jusqu’à se cogner la tête au mur pour penser à emprunter un itinéraire qui n’y mène pas ? Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que les pouvoirs publics, les employeurs et les organisations syndicales, ensemble, mettent au point une politique d’anticipation de ce type de risques ? La politique de l’autruche en matière de (non-)gestion du stress en entreprise n’a que des effets désastreux, sur tous. Alors à quand la souplesse dans l’accompagnement des ex-absents qui réintègrent le travail ? A quand une attention portée à chaque employé pour s’assurer que le travail demandé lui est adapté ? A quand le réflexe de valoriser le travail réalisé, parfois dans des conditions dont aucun d’entre nous ne voudrait ? A quand le réflexe de se concentrer sur ce que chacun peut faire, plutôt que sur ce qu’il ne peut pas ou plus accomplir ? Et voir enfin chaque jour comme un jour de plus, et non comme un jour de moins…

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