Gérald Papy

Kompany tacle bien. Mais le jeu est dangereux

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le tweet du capitaine des Diables rouges répliquant à Bart De Wever a quelque chose jouissif. Mais attention, le terrain politique peut être glissant pour les footballeurs.

Devant l’engouement qui grandit en faveur de Diables rouges de plus en plus conquérants, on perçoit bien le potentiel de ferveur nationale qu’une qualification pour le Mondial 2014 au Brésil pourrait receler, qui plus est en une année électorale. Une bonne vieille fièvre patriotique comme le football n’en a plus procurée depuis la Coupe du monde au Mexique en 1986 où la Belgique n’échoua qu’en demi-finale.

La différence aujourd’hui est que ce phénomène s’inscrit à contre-courant d’une évolution politique où les nationalistes, en Flandre, ont le vent en poupe et se sont enracinés un peu plus encore dans la société à la faveur des élections communales de dimanche. Emblématique capitaine des Diables rouges parce que bilingue et ambassadeur de la Belgique dans un des clubs les plus prestigieux de la planète foot, Vincent Kompany a exprimé sa fierté d’être belge et de piloter une équipe qui gagne en répliquant au discours aux accents confédéraux de Bart De Wever au soir de sa victoire à Anvers. « Belgie is van iedereen, maar vanavond toch vooral van ons », a tweeté Vincent Kompany. Son « la Belgique est à tout le monde, mais ce soir surtout à nous » est un pied de nez a priori sympathique et jouissif à l’inquiétante exhortation du leader de la N-VA « Anvers est à tout le monde, mais ce soir, surtout à nous », inquiétante parce qu’au plan politique, elle augure d’une gestion qui négligerait le débat démocratique.

Les victoires aidant, l’équipe belge de football suscite un courant de sympathie mérité. Parce qu’elle développe un beau football, recèle des individualités brillantes et forme un collectif qui enfin a trouvé des automatismes. Pour certains de ses supporters, elle séduit aussi, au-delà du caractère sportif, parce qu’elle rassemble des personnalités de Bruxelles, du Nord et du Sud du pays qui coopèrent dans une apparente harmonie vers un but commun. L’union fait la force. Des expériences antérieures ont cependant démontré que cet équilibre est fragile. On nous dit que les supporters des Diables rouges sont autant francophones que néerlandophones, et même électeurs de la N-VA. Tant mieux. Sans se faire d’illusion sur leur portée, une majorité de francophones applaudissent sans doute à la profession de foi anti-nationaliste – belgicaine ? – exprimée par le tweet de Vincent Kompany ou par cette banderole, dont les journaux de Sudpresse nous apprennent qu’elle était l’oeuvre d’étudiants de l’UCL, qui mardi soir au Heysel proclamait « Bart tonight, you’re alone ». Mais quid des néerlandophones ?

Quand l’entraîneur national Marc Wilmots, qui a réussi à convaincre de sa compétence jusqu’à ses détracteurs néerlandophones, se déclare investi de la « mission » de rassembler les néerlandophones et les francophones autour d’un objectif commun, n’endosse-t-il pas une responsabilité politique qui dépasse son rôle ? A trop s’immiscer dans le débat politique, les dieux du stade risquent de se brûler les ailes.

Bien plus importante sur un plan strictement politique, est la prise de conscience de certains responsables politiques et médiatiques flamands (voir les déclarations du bourgmestre SP.A de Gand Daniel Termont – « Dans tout ce qu’il a dit, j’ai vu des traces de l’extrême droite » – et l’analyse du journaliste Jan Segers du Het Laatse Nieuws – « Son programme ne parle pas de nationalisme ethnique et se veut inclusif. Or, dimanche, il donnait l’impression du contraire ») sur le danger que leur a inspiré la déclaration de victoire de Bart De Wever, dimanche soir.

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