La commission d'enquête se réunira vendredi pour adopter le rapport final des travaux. © Belga

Kazakhgate: la commission évoque une immixtion française « inacceptable »

La commission d’enquête parlementaire sur les circonstances qui ont entouré l’adoption d’une loi de transaction pénale élargie en 2011 évoque mercredi une immixtion « inacceptable » de la France dans le dossier.

L’Elysée du président Nicolas Sarkozy avait mis en place une équipe visant à absoudre le trio kazakh composé des hommes d’affaires Patokh Chodiev, Alijan Ibragimov et Alexander Machkevitch de poursuites judiciaires en cours en Belgique afin de faciliter des négociations commerciales entre Paris et Astana.

Armand De Decker, alors vice-président du Sénat, avait fait partie de cette équipe. Son rôle est pointé du doigt alors qu’il avait entrepris des démarches dans ce dossier auprès du ministre de la Justice Stefaan De Clerck. « M. Armand De Decker a profité de son statut de vice-président du Sénat afin d’obtenir des avantages dans l’exercice de sa profession d’avocat », estime la commission.

Celle-ci conclut toutefois que ces contacts n’ont pas influencé le processus législatif. Elle indique également que les deux premières transactions pénales, exécutées en vertu de la nouvelle loi en 2011, dans l’affaire Chodiev et celle de la Société générale, l’ont été « valablement ».

La commission d’enquête se réunira vendredi pour adopter le rapport final des travaux. Le Kazakhgate sera débattu en séance plénière après les vacances de Pâques.

L’opposition dénonce la faiblesse des recommandations

Pour le PS, c’est « un atterrissage raté ». Selon le premier rapporteur Eric Massin, « la majorité, poussée dans le dos par le MR, préfère minimiser les faits et refuse de tirer les vraies leçons du Kazakhgate ». L’initiative du président français Nicolas Sarkozy relevait de l' »ingérence », souligne-t-il, invitant le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders à « rencontrer son homologue français et lui signifier que la Belgique n’accepte pas ce genre d’intervention dans ses affaires intérieures ».

Eric Massin, qui se consacrera désormais à plein temps à sa fonction de président du CPAS de Charleroi avant de se présenter aux élections provinciales – il sera suppléé dès le mois de mai par Olivier Henry -, regrette également l’absence de recommandations inhérentes à la « complicité » de l’ancien président MR du Sénat Armand De Decker dans cette affaire.

De son côté, sa collègue bruxelloise de parti Karine Lalieux demande que les lobbies sortent de l’ombre et soient contrôlés après qu’il est apparu que « le secteur des diamantaires a mené un lobby intense auprès des partis politiques néerlandophones, du parquet d’Anvers, mais aussi auprès des ministres de la Justice Vandeurzen et De Clerck ».

« Nous avons assisté cette semaine à une véritable mascarade, à une tentative d’enterrement de première classe du dossier, à une tentative de blanchiment de la réalité », a constaté, pour sa part, le député Ecolo-Groen Georges Gilkinet.

« Toutes les constats un peu dérangeants, toutes les appréciations un peu critiques contre des mandataires politiques ou des acteurs judiciaires et toutes les recommandations un peu innovantes ont été rejetés par la majorité, sans aucun débat, par la simple force du nombre », a-t-il dénoncé.

Et le député écologiste de mettre en garde en vue de la prochaine séance: « nous ne manquerons de présenter, dans le cadre du débat public sur ce rapport, nos observations, appréciations et recommandations alternatives ».

Pour Francis Delpérée (cdH), « immixtion » ou « ingérence », c’est une question de vocabulaire, les faits sont établis. « Une réunion a eu lieu à Paris avec de hauts responsables de l’Elysée et un ancien président du Sénat de Belgique au cours de laquelle on a parlé d’une affaire judiciaire pendante en Belgique », retient-il, en précisant que « le comportement d’Armand De Decker n’est pas acceptable ».

Selon le député centriste, les travaux ont permis de confirmer que le parcours législatif de la transaction pénale élargie était en route et qu’il y a eu, pour des raisons d’opportunité politique, une accélération en février 2011 à la faveur d’une décision au conseil des ministres liant le dossier au secret bancaire.

Francis Delpérée relève que, parallèlement, certains acteurs ont voulu profiter de l’aubaine pour entreprendre des contacts dans le volet judiciaire, à savoir le dossier Chodiev. Ceci est relevé dans un certain nombre de constats et d’appréciations. « Les faits parlent », souligne-t-il. Au-delà, « les recommandations sont celles de la majorité », indique le député humaniste.

Le MR l’instrumentalisation

Le MR s’en est pris de son côté à Ecolo et au sp.a, accusés d’instrumentaliser le dossier. « A l’heure de rédiger les dernières lignes du rapport définitif, le MR constate désormais que l’opposition Ecolo-sp.a l’a délibérément surchargé d’appréciations et de recommandations, destinées uniquement à orienter les conclusions dans l’unique sens de leur fiction et ce, même contre d’autres partis de l’opposition », a-t-il réagi. La formation libérale souligne d’ailleurs que les votes ne se sont pas systématiquement déroulés selon le clivage habituel ‘majorité contre opposition’.

Depuis le début, le MR a toujours opté pour la « transparence » la plus totale sur cette affaire, même si, étant donné sa complexité, il a fallu constater que toutes les responsabilités n’étaient pas aussi claires à définir que d’aucuns le prétendaient, a-t-il ajouté.

Les débats se sont poursuivis à huis clos, comme c’est le cas ces derniers mois. « S’il n’est pas possible de donner plus d’informations à l’heure actuelle sur le contenu du rapport, vu le caractère confidentiel des débats, le MR, par les voix de ses commissaires David Clarinval, Damien Thiéry et Gilles Foret, déplorent vivement l’instrumentalisation politique qui est faite des travaux. »

Le rapport, qui comporte de nombreuses recommandations et mesures, sera rendu public et débattu en séance plénière de la Chambre lors de la troisième semaine du mois d’avril, a-t-il annoncé.

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