Rik Van Cauwelaert © Image Desk

« Je ne pense pas que le cordon sanitaire sera rompu »

Rik Van Cauwelaert, chroniqueur pour De Tijd et ancien directeur de Knack, analyse les résultats des élections. « Bart De Wever les a gagnées. Point. Et le sp.a a un problème existentiel. »

« Vous savez ce qui m’intrigue ? », s’interroge Rik Van Cauwelaert. « Partout, je vois le Vlaams Belang progresser plus que ce que perd la N-VA. On ne peut donc pas continuer à prétendre que ces deux partis sont des vases communicantes. Mais d’où le Vlaams Belang tire-t-il ses gains? »

« Globalement, la N-VA s’en tire bien », estime Van Cauwelaert. « Tout le monde a transformé ce scrutin en élections anversoises et Bart De Wever les a remportées. Point. Sans lui, aucune majorité n’est possible, à moins d’inclure le Vlaams Belang, et ça personne ne le souhaite. La N-VA a également gagné ailleurs. À Hasselt, anciennement bastion CD&V puis sp.a, c’est Steven Vandeput qui devient bourgmestre. Ou prenez Lubbeek, où Theo Francken atteint presque 35%. Le professeur Luc Huyse a dit que ce serait une défaite si la N-VA n’obtenait pas la majorité absolue. C’est n’importe quoi !

Mais la N-VA n’a pas obtenu de bons résultats partout ?

Rik Van Cauwelaert: Effectivement. En Flandre occidentale, le parti a clairement un problème, hormis à Izegem, avec Geert Bourgeois. À Bruges, la N-VA a cherché les problèmes en continuant à miser sur Pol Van Den Driessche. De Wever est resté loyal à son égard, et c’était une erreur. En Flandre-Orientale non plus son succès n’est pas total. À Gand, la N-VA était si divisée qu’elle n’avait pas besoin d’adversaires. C’était une bévue.

Le CD&V se maintient mieux que prévu.

Dans les communes rurales, le CD&V reste le parti le plus fort. Dans certaines communes du Brabant flamand, par exemple, il obtient une majorité absolue les doigts dans le nez. Et Pieter De Crem atteint presque 60% à Aalter, grâce à une fusion CD&V très intelligente – bientôt il faudra être CD&V pour vivre à Aalter. Cependant, le CD&V continue à avoir un problème dans les villes. Cela dit, vous pouvez dire ce que vous voulez de Kris Peeters, il a fait mieux à Anvers que le parti lors des précédentes élections communales. Ce n’est pas sans mérite, car Peeters a maintenant au moins un noyau avec lequel il peut recommencer. Mieke Van Hecke a réalisé quelque chose de similaire à Gand. C’est là qu’elle a trouvé un CD&V totalement divisé et qu’elle a encore réussi à forger les pièces en un rien de temps. Là aussi, le CD&V peut prendre un nouveau départ.

L’Open VLD peut-il être satisfait?

Oui, le libéralisme rural – à la manière dont Herman et Alexander De Croo l’ont mis en pratique – est bien répandu en Flandre, mieux que beaucoup le pensent. Parce que souvent, ils ne participent pas en tant qu’Open VLD, mais en tant que Liste du Bourgmestre ou quelque chose de similaire. Les libéraux ont remporté quelques succès retentissants, à Malines et Courtrai par exemple. Bien que l’honnêteté oblige à ajouter que l’Open VLD a été aidé par Stefaan De Clerck, qui a laissé une pagaille à Courtrai. Il s’est tant lamenté d’avoir vu le poste de bourgmestre lui échapper qu’il n’a pas organisé de succession. Et il voulait absolument devenir président de Proximus. De Clerck a abandonné tout le monde à Courtrai et c’est le CD&V qui paie la note. Vincent Van Quickenborne peut à présent en profiter.

Le Vlaams Belang est de retour », a déclaré triomphalement le président Tom Van Grieken. A-t-il raison?

« Retour » est peut-être un grand mot. Le résultat du Vlaams Belang continuera à faire du yoyo, mais le parti sera toujours présent. C’est un facteur dont nous devons continuer à tenir compte dans les années à venir, surtout maintenant que Van Grieken rend le Vlaams Belang un peu plus respectable. Néanmoins, je ne pense pas que le cordon sanitaire sera rompu – Filip Dewinter joue encore un rôle trop important. Mais gardez un oeil dessus, car la première rupture de digue est toujours la plus difficile. Entre-temps, je vois le Vlaams Belang moins préoccupé par ses thèmes traditionnels tels que la migration. Sur les questions socio-économiques, il se profile plutôt à gauche, comme le Front national en France et l’AfD en Allemagne. Et si le Vlaams Belang a gagné plus que ce que la N-VA a perdu lors de ces élections, cela pourrait bien être lié au fait qu’une partie de leur public vient du sp.a.

Et cela nous amène au sp.a: le grand perdant de ces élections?

C’était écrit. Louvain est la seule exception, mais pour le reste le sp.a est totalement vidé par Groen et le PVDA. Cependant, Groen n’a pas pu percer comme Ecolo en Wallonie et à Bruxelles, et PVDA n’a pas pu percer comme le PTB dans le sud du pays. La perte du sp.a est douloureuse. Ce qui me frappe, c’est que l' »appareil », avec par exemple le syndicat et la caisse d’assurance maladie socialiste, n’adhère plus au sp.a. Les socialistes ont un problème existentiel.

Quelles sont les conséquences des élections municipales pour les gouvernements flamand et fédéral?

Le CD&V et la N-VA devraient réfléchir à leur relation. Depuis l’entrée en fonction des gouvernements flamand et fédéral, ils s’opposent l’un à l’autre en tant que concurrents majeurs. J’ai toujours dit que c’était intenable et que ça finirait mal. Que se passe-t-il en Wallonie entre-temps ? Le PS se maintient et le front de gauche est encore renforcé par le PTB. Partout où le PTB a participé aux élections, il obtient des élus. À Charleroi, la plus grande ville de Wallonie, la PTB devient même le deuxième parti. Si cette tendance se poursuit, vous obtiendrez une majorité de centre-gauche en Wallonie et une majorité de centre-droit en Flandre après les élections de mai prochain. Ensuite, nous risquons de prendre encore 541 jours pour former un gouvernement.

Et donc il est urgent pour le CD&V et la N-VA de se réconcilier ?

Oui, Wouter Beke et Bart De Wever doivent se rapprocher dans les mois à venir, du moins s’ils veulent siéger ensemble dans un gouvernement. J’ai déjà remarqué que le discours de victoire de De Wever dimanche soir a pris un ton complètement différent, plus conciliant que la dernière fois. Parce hormis la N-VA, le seul parti à s’intéresser encore un peu aux dossiers communautaires est le CD&V. Aujourd’hui, ces questions communautaires sont au congélateur, mais elles reviendront inévitablement sur la table : il reste encore beaucoup à faire. Et si la N-VA est presque obligée de s’asseoir à la table des négociations avec le PS et Ecolo, elle doit avoir un allié flamand ou elle n’ira pas loin. Le CD&V est le seul allié possible. Si la compréhension n’est pas meilleure d’ici le mois de mai, les choses semblent mal parties.

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