» Je mens, tu mens !  » : ou comment parler de sexualité entre deux bons vins

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

 » Au sein du couple, la parole sur la sexualité n’est pas libérée du tout « , constate Susann Heenen-Wolff. Illustration, sur scène, avec  » Je mens, tu mens ! « , la comédie pleine d’humour et de finesse de cette psychanalyste clinicienne.

– Philippe : « Ah, moi, j’avais 17 ans, elle en avait dix-huit, en camp scout, une nuit d’été, les autres sont allés se coucher, c’était délicieux. »
– Charlotte : « Délicieux pour qui ? »
– Sandrine : « Pfff… »

La soirée avait bien commencé, autour d’une table de bridge. Mais la partie de cartes terminée, les deux couples d’amis sont passés à des jeux un peu plus dangereux. Le bon vin aidant, ils parlent des premiers amours, des mensonges autour de la sexualité, de la hantise de l’orgasme de la femme… Incompréhension, tendresse, ironie, humour : il y a tout cela dans les dialogues percutants de « Je mens, tu mens ! », la nouvelle comédie mise en scène par Christine Delmotte (Compagnie Biloxi 48) au théâtre de la place des Martyrs, à Bruxelles.

Le spectacle, qui raconte un pan de nos intimités contemporaines, connaît un succès attendu et mérité (à voir jusqu’au 26 octobre, mais les représentations sont déjà presque sold out !). Et pour cause : écrite d’un point de vue à la fois féminin et freudien, la pièce suscite le débat, d’autant qu’elle met en cause la soi-disant « libération sexuelle ». Son auteure, Susann Heenen-Wolff, dont c’est le premier texte pour le théâtre, est psychanalyste et professeure de psychologie clinique à l’UCL et à l’ULB. « Depuis longtemps, on parle dans les magazines féminins des difficultés des femmes à atteindre l’orgasme par la seule pénétration, remarque-t-elle. Mais on a beau expliquer les raisons de ce trouble, on a beau proposer des traitements pour y remédier, il semble que cette difficulté reste bien présente et soit plutôt structurelle. Il ne s’agit donc pas d’un trouble qui relève d’une histoire individuelle, mais d’une difficulté qui se niche dans la nature même de la sexualité de la femme. »

C’est ce constat qui a incité Susann Heenen-Wolff à traiter le sujet sous forme théâtrale. « En tant que psychanalyste clinicienne je suis convaincue que la parole par rapport à la sexualité n’est pas libérée du tout, poursuit-elle. Au contraire, la performance sexuelle est devenue une exigence qui inhibe l’expression de tout ce qui est conflictuel dans la sexualité humaine. » A relever l’interprétation pleine de finesse des quatre jeunes acteurs qui composent les deux couples : Stéphanie Van Vyve, Fabrice Rodriguez, Mathilde Rault et Quentin Minon.

« Je mens, tu mens ! » A voir jusqu’au 26 octobre au Théâtre de la place des Martyrs, 1000 Bruxelles. Réservations : 02 223 32 08 – loc@theatredesmartyrs.be.

RENCONTRES-DEBATS : les mardis 1er et 8 octobre, à l’issue de la représentation, avec, entre-autres, Susann Heenen-Wolff, auteure, et Christine Delmotte, metteuse en scène.

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