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Jan Jambon: « La chaîne de commandement doit être plus courte »

La chaîne de commandement et de communication des décisions prises en cas d’attaque terroriste doit être plus courte, a reconnu mercredi le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 22 mars.

Présent au centre de crise fédéral vers 8h25, le ministre a été au coeur de la coordination des événements après l’attentat commis à Zaventem à 7h58. La décision de fermeture du métro et sa communication est l’une des questions au coeur des travaux de la commission. Elle a été prise par le ministre à 8h52 pour garantir une capacité de protection suffisante à Bruxelles, communiquée ensuite à 9h06 par la police fédérale à ses directions provinciales, parmi d’autres instructions. A 8h56, un collaborateur du ministre a également appelé le conseiller en sécurité du ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort. Le ministre-président a rappelé de son côté M. Jambon à 8h59.

Rien n’empêchait le ministre-président bruxellois d’ordonner aussi la fermeture, a précisé M. Jambon, mais ce genre de mesure implique la collaboration de la police qui se chargeait déjà de communiquer la décision.

La suite est connue: la STIB n’a jamais reçu l’ordre de fermer le métro, un kamikaze s’est fait exploser dans une rame à la station Maelbeek à 9h11, le directeur-général de la STIB a ordonné lui-même la fermeture du réseau à 9h12.

« Nous sommes tous conscients que la ligne de commandement doit être plus courte », a souligné M. Jambon.

Le ministre a toutefois fait remarquer qu’en tout état de cause, le métro n’aurait pu être fermé et évacué à temps. Il ne soutient pas l’idée de mesures automatiques, qui peuvent provoquer un mouvement de panique et déplacent le risque.

« Je ne peux pas me départir de l’impression d’un certain capharnaüm et d’une certaine panique », a jugé la députée Laurette Onkelinx (PS).

Une impression fermement démentie par M. Jambon. « Ca n’a pas été du tout le cas. J’ai été impressionné par le professionnalisme qui régnait là-bas (au centre de crise). Les gens ont gardé la tête froide. Il n’y a eu aucune ambiance de panique », a-t-il répondu.

Le temps mis pour déclencher la phase fédérale du plan d’urgence -à 9h04- interpelle plusieurs parlementaires. « La phase fédérale a été déclenchée trop tard, je pense », a déclaré Denis Ducarme (MR) à l’instar de Georges Dallemagne (cdH) et Laurette Onkelinx.

Le ministre a mis en avant la nécessité de réunir un certain nombre de personnes au centre de crise et d’analyser la situation. Dès 8h41, certaines mesures étaient déjà prises pour l’aéroport et la phase provinciale était déclenchée en Brabant flamand. « On a besoin d’un certain temps pour maîtriser la situation », a ajouté M. Jambon.

Le ministre a toutefois eu le sentiment dès le premier coup de fil qu’il a reçu, à 8h10, qu’un attentat avait été commis. « Quelle était ma première pensée, croyez-vous? C’était le jour que je n’aurais jamais voulu connaître mais qui était là ».

C’était une « interprétation », a-t-il précisé. L’arrêté royal organisant la phase fédérale d’urgence implique de vérifier certains éléments avant de la décréter.

Le rapport des experts de la commission, présenté mercredi matin à huis clos, va pourtant dans le sens des députés.

« Le 22 mars 2016, le déclenchement de la phase fédérale a été tardif. Il est en effet apparu rapidement (dans les premières minutes) que les explosions de Zaventem étaient un attentat terroriste. Or, l’arrêté royal du 31 janvier 2003 prévoit que ce type de catastrophe implique nécessairement une gestion nationale. La phase fédérale de gestion de crise n’a pourtant été déclenchée qu’à 9h03 et la ‘réunion de coordination’ devient ‘cellule de gestion’. Cette prise de décision n’était pas claire et certains témoins ont affirmé avoir pris connaissance de l’activation de cette phase fédérale avant cette heure », dit le rapport.

Les experts de la commission en faveur d’une cellule de commandement opérationnelle

Face à la complexité et la lenteur de la chaîne de communication des décisions prises en cas d’attentat, les experts de la commission d’enquête parlementaire préconisent la création d’une « cellule de commandement opérationnelle » au sein du Centre de crise, différente de celle mise en place par le gouvernement fédéral dans un arrêté royal du 1er mai 2016 établissant le plan d’urgence national terrorisme. Ils invitent par ailleurs à publier au Moniteur le plan d’urgence lui-même qui ne revêt, selon eux, aucun caractère confidentiel.

Une des difficultés de la gestion réside dans l’éclatement de compétences entre niveaux de pouvoirs n’obéissant à aucune hiérarchie des normes. La cellule de commandement opérationnelle proposée par la commission d’enquête serait spécifiquement chargée de la communication directe de toutes les décisions prises par la cellule de gestion aux services et acteurs impliqués dans leur exécution, ceux-ci étant également « tenus de suivre cette exécution ». La cellule de commandement devra ainsi communiquer directement avec tous les destinataires imaginables des décisions prises au sein du Centre de crise – comme, par exemple, les différentes entreprises de transport public, les centrales nucléaires et les écoles – si bien que cette communication « ne transitera plus par les chaînons intermédiaires des services publics fédéraux ou des ministères des Communautés et des Régions concernés ».

La cellule de commandement opérationnelle devrait disposer d' »effectifs limités » aux yeux des experts, alors que le gouvernement fédéral y a prévu des représentants de tous les services et autorités possibles. Le gouvernement n’a pas prévu non plus la possibilité de déroger au système échelonné appliqué dans la pratique.

Les experts prônent également un enregistrement automatique des décisions prises ainsi que la mise en place d’un système de suivi.

Ces recommandations visent notamment la gestion de la fermeture du métro qui a pu souffrir de l’échelonnement en vigueur le 22 mars dernier. Au bout de la chaîne, la STIB n’a été informée de la décision de fermeture du métro prise à 8h52 qu’à 9h23 lorsque la police des chemins de fer a pris contact avec le « dispatching field support security » des transports bruxellois. Entre-temps, le directeur général de la STIB Brieux de Meeûs avait déclenché à 9h12 le plan Black out pour le métro, à titre conservatoire, impliquant son arrêt complet et son évacuation. La rame de Maelbeek venait d’exploser à 9h11.

Un courriel complémentaire avait par ailleurs été envoyé à 9h07 aux responsables de sécurité provinciaux et des transports mais sur des adresse e-mail nominatives et non pas fonctionnelles. Les experts invitent à utiliser systématiquement des adresse e-mail fonctionnelles pour communiquer ce type d’informations.

Les experts pointent le rôle du centre de crise qui aurait pu, selon eux, en vertu des dispositions légales, assurer l' »exécution éventuelle » et le « suivi » des décisions, le directeur ad interim du centre Alain Lefèvre ayant déclaré lui devant les commissaires que cela ne relevait pas de ses compétences. Le centre de crise a appliqué un système en cascade prévoyant notamment d’informer le ministre compétent qui ne serait pas présent à la réunion.

Les experts rappellent également que la STIB est de compétence régionale bruxelloise, sous la tutelle du ministre de la Mobilité Pascal Smet qui aurait pu participer à la réunion du centre de crise. Le ministre-président Rudi Vervoort y était, ainsi que l’officier de liaison du haut fonctionnaire. Le premier n’est cependant arrivé à la réunion qu’à 9h03 alors que la décision de fermer le métro avait déjà été prise à 8h52. L’officier de liaison est arrivé à 8h50. Les experts invitent à revoir la répartition des compétences entre le ministre-président bruxellois et le haut fonctionnaire. Le premier est compétent pour la planification d’urgence, le second pour la sécurité civile. La loi spéciale autorise à tout transférer au haut fonctionnaire mais les experts préconisent au contraire de confier l’ensemble de ces tâches au ministre-président.

Le rapport souligne enfin le flou qui entoure le déclenchement de la phase fédérale de la planification d’urgence sous la responsabilité du ministre de l’Intérieur Jan Jambon. Il évoque un intervalle de temps entre 8h50 et 9h03 probablement dû à la durée du processus décisionnel jusqu’à la communication officielle. Le rapport appelle également à définir les modalités de la phase de déclenchement dans la loi. « Il est en effet crucial que tous les services et acteurs associés à la gestion de la crise soient informés de l’activation de la phase fédérale », indique-t-il, précisant que cela concerne tant le fédéral que les Communauté et Régions.

Les professeurs Bruggeman et Van Daele ont transmis à la commission d’enquête ce rapport final sur la planification d’urgence et la gestion de crise, qu’a pu lire l’agence BELGA. Il a été présenté aux commissaires mercredi matin lors d’une séance à huis clos.

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