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Jamar out, Wilmès in : le remaniement fait des mécontents au MR

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le ministre liégeois devient gouverneur de sa province. Il est remplacé par une élue de la périphérie. Banal ? Sauf que ce jeu de chaises musicales risque de ne pas plaire à tout le monde chez les libéraux, car il change les rapports de force internes.

C’est le premier remaniement du gouvernement Michel, un peu moins d’un an après sa prestation de serment. À vrai dire, personne ne s’attendait à un tel jeu de chaises musicales. Hervé Jamar, ministre du Budget, cède sa place à Sophie Wilmès au gouvernement fédéral. Circulez, y a rien à voir… L’événement n’est pas à la hauteur d’un buzz médiatique.

Non, ce n’est pas Theo Francken qui descend de la scène, malgré ses déclarations controversées sur le parc Maximilien. Le secrétaire d’Etat N-VA à l’Asile et la Migration exaspère de plus en plus de monde au sein de la majorité avec ses posts intempestifs sur les réseaux sociaux, mais il ne sautera pas si facilement que cela. Non, ce n’est pas Didier Reynders qui a pris la poudre d’escampette. Le vice-Premier MR a avalé bien des couleuvres ces derniers temps, lui qui rêvait de devenir soit Premier ministre, soit commissaire européen, et certains ne s’étonneraient pas de le voir partir vers des cieux plus étoilés un jour ou l’autre. Non, rien de ce niveau-là….

La communication « urgente » du MR en a fait sourire plus d’un, tant Hervé Jamar n’a guère laissé une empreinte indélébile depuis sa nomination. Ce n’est pas lui qui a imprimé sa marque sur les exercices budgétaires, mais bien son Premier ministre. C’était un bon petit soldat, sans plus, à qui l’on a même dû quelques errements dans la complexité des comptes publics. Hervé Jamar avait eu quelques difficultés, aussi, à surmonter les épreuves du conclave budgétaire de printemps ou du tax-shift. « Charles Michel l’a sûrement exfiltré du gouvernement », souligne un député libéral.

L’homme s’en va passer des jours plus paisibles à la province de Liège où il devient gouverneur en remplacement de Michel Forêt, atteint par la limite d’âge. Une proximité qui lui convient mieux que le bouillonnement et les confrontations du fédéral. L’homme, partisan du libéralisme social, avait eu quelque difficulté à accepter le mariage avec la N-VA, au début, et vivait mal ses outrances des dernières semaines. Sur les réseaux sociaux, on s’amuse déjà de savoir qu’il s’amusera mieux aux inaugurations… et aux walking diners, lui le bon vivant qui ne refuse jamais un verre. Theo Francken n’a pas hésité à ajouter une dose d’humour, smiley à l’appui : « En tant que gouverneur, tu sauras mieux que quiconque où se trouveront les meilleures places d’accueil… »

Le tout risque toutefois de susciter quelques remous au MR. La province de Liège fut en effet l’un des foyers de la guerre intestine entre Didier Reynders et Charles Michel, dont le climax eut lieu en 2011. Et cette nomination risque d’y rallumer quelques braises. Hervé Jamar, très proche de Charles Michel, prend en effet le poste de gouverneur au nez et à la barbe du reyndersien Philippe Dodrimont, bourgmestre d’Aywaille, responsable de la province, qui avait… déjà annoncé à la presse qu’il avait désigné un successeur s’il devenait gouverneur de Liège.

Pour remplacer Hervé Jamar au Budget, poste pour poste, le MR met en avant une députée fédérale, suppléante de Didier Reynders : Sophie Wilmès. Inconnue au bataillon, ou presque, cette femme de 40 ans – elle est née la même année que Charles Michel – est la spécialiste des Finances du parti. « Bosseuse, trilingue », dit d’elle son président de parti, Olivier Chastel. Elle devrait rapidement trouver sa place dans un cahier des charges chiffré très précis.

Ce qui ne manque pas de piquant, c’est que la nouvelle ministre est échevine à Rhode-Saint-Genèse, commune à facilités linguistiques, et présidente du MR de la périphérie. « Une flamande au gouvernement pour le MR, I love this country », a déjà ironisé l’humoriste Bert Kruismans sur Twitter. En cette qualité, elle a dû gérer la mini-crise relative à la non-nomination de Damien Thiéry, bourgmestre de Linkebeek, révoqué par la ministre flamande des Affaires intérieures, Liesbeth Homans (N-VA), pour non-respect des lois linguistiques.

Les nationalistes peuvent grincer des dents : à l’aube des élections de mai 2014, le conseil communal avait décidé par un vote majorité contre opposition l’envoie des convocations électorales en néerlandais et en français. « Mais elle était rentrée dans le rang, précise un MR. C’est un gage donné à la périphérie. Mais tant qu’à en donner, moi, j’aurais nommé Damien Thiéry lui-même… » Si l’idée avait germé au MR, nul doute qu’elle se serait heurtée à un véto de la N-VA.

Ce faisant, ce remaniement moins banal qu’il n’en a l’air modifie les rapports de force libéraux au sein du gouvernement fédéral. Un Liégeois cède sa place à une Bruxelloise – ou assimilée comme telle – et ce n’est pas banal. En Wallonie, on vit mal cette décision. A Liège également. Pour ne pas parler de l’aigreur que doit ressentir Christine Defraigne, présidente du Sénat, qui regrette toujours amèrement de ne pas avoir été une des sept ministres MR du gouvernement fédéral.

« L’annonce de la nomination d’Hervé Jamar a été précipitée, murmure-t-on au MR. Sans doute pour pouvoir gérer le contrechoc. » Mardi et mercredi, tout le gratin libéral se retrouve en effet à Genval pour les journées parlementaires de rentrée. De quoi apaiser les rancoeurs, en cas de besoin…

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