Jacky Morael, 1999. © BELGA/Olivier Matthys

Jacky Morael, l’homme qui fit accéder Ecolo au pouvoir, est décédé

L’ancien secrétaire fédéral d’Ecolo, Jacky Morael, est décédé, a annoncé mardi le parti. Figure historique des Verts francophones, il fut l’artisan de la victoire des écologistes aux élections de 1999 et de leur première participation à des gouvernements mais aussi celui qui dut s’effacer pour permettre cette participation.

Né à Liège le 26 novembre 1959, Jacky Morael a décroché une candidature en philosophie en 1980 suivie d’une licence en information et arts de diffusion en 1982.

Journaliste, ayant animé la radio libre des Amis de la Terre et assuré diverses collaborations de presse dans les années ’80, il est engagé dans le Mouvement Ecolo depuis 1981. En mai 1986, il devient secrétaire fédéral et porte-parole d’Ecolo aux côtés de l’un des pères-fondateurs du parti, Paul Lannoye. Il a assuré cette fonction jusqu’aux élections de 1991. Il est alors élu député fédéral et devient chef du groupe Ecolo-Agalev à la Chambre. Une fonction qu’il occupera de 1991 à 1994. Il sera à le négociateur officiel des Verts au sein du « dialogue de communauté à communauté » à une époque où les Verts commencent à s’affirmer comme la quatrième force politique francophone et soutiennent les accords de la Saint Michel et de la Saint Quentin.

En avril 1994, il revient au secrétariat fédéral d’Ecolo et est réélu le 29 mars 1998 à ce poste en même temps que les deux autres secrétaires fédéraux, Isabelle Durant et Jean-Luc Roland.

Jacky Morael a imprimé sa marque à toute une génération d’écologistes. Il a sorti l’écologie politique de la marginalité et, grâce à un sens politique aiguisé, a permis à son parti de remporter son premier grand succès lors des élections de 1999. Les Verts embarquent à bord des majorités « arc-en-ciel » aux côtés des socialistes et des libéraux. Victime d’une cabale de plusieurs mandataires bruxellois, il doit toutefois s’effacer pour permettre au parti d’approuver une participation inédite au gouvernement fédéral, wallon et de la Communauté française, mais pas à celui de la Région bruxelloise, au cours d’une assemblée générale fratricide. Isabelle Durant prend alors la place de vice-premier ministre qui aurait dû lui revenir dans le gouvernement Verhofstadt I. L’épisode marquera profondément Jacky Morael alors même qu’il a obtenu au cours des négociations l’une des revendications majeures des écologistes: le refinancement de l’enseignement francophone.

Terrassé par le décès de sa fille à l’été 1999, Jacky Morael traversera une période douloureuse dont il ne sortira pas indemne. En 2005, une chute le laisse diminué physiquement. Sur la scène politique, il passe au second plan, même s’il demeure une figure politique écoutée. Il siège encore au Sénat entre 1999 et 2003 et y est une nouvelle fois élu en 2010. En 2001, le ministre des Affaires étrangères, Louis Michel (MR), lui confie également une mission en Afrique centrale. En 2002, il reçoit le titre de ministre d’Etat.

En septembre 2014, Jacky Morael publie un livre d’entretiens avec quelques jeune pousses d’Ecolo. « L’écologie est un plaisir et doit le rester. Je me suis toujours beaucoup amusé », confie-t-il malgré une vie marquée par les épreuves. Son fils spirituel, Jean-Michel Javaux, artisan de la deuxième grande victoire électorale des Verts en 2009, préface l’ouvrage. « Il est (…) éminemment respecté par les actrices et les acteurs politiques des autres formations, toutes générations confondues. Il a su gagner cette estime par son travail bien entendu, par sa maîtrise des dossiers, mais aussi par la crainte qu’il suscite: sa maîtrise de la stratégie », écrit-il.

Hommage unanime de la classe politique belge

Les hommages de la classe politique à Jacky Morael se succèdent et vont bien au-delà de sa famille écologiste.

Jean-Marc Nollet, chef de groupe Ecolo-Groen à la Chambre, a posté sur Twitter une photo de son mentor accompagné de la mention « Un homme. Un maître. Mon maître ».

« Nous étions de vieux potes, très proches », a souligné Olivier Deleuze auprès de l’agence Belga. « Je suis ébranlé et réellement choqué. » L’ancien co-président d’Ecolo voyait en Jacky Morael « un homme vrai et une personnalité sympathique ». « Il était très impliqué dans ce qu’il faisait et j’ai énormément de respect pour cet homme, même si nous avons connu quelques divergences politiques. »

Le Premier ministre Charles Michel estime que « notre pays perd un homme attachant doté d’une intelligence politique extraordinaire ».

« Un homme apprécié, profondément humain et j’appréciais sa passion dans la défense de ses valeurs », ajoute le président du MR Olivier Chastel, soulignant qu’il avait mené « Ecolo vers le sommet avec clairvoyance ».

« Il a fait passer Ecolo d’un mouvement d’idées et de contestation à un mouvement touchant la société plus largement et capable de participer à un gouvernement. Il a rendu possible des compromis, ce qui n’a pas toujours été salué par tous au sein de son parti », a réagi le vice-premier ministre Didier Reynders, qui l’a longuement côtoyé, notamment à Liège.

« J’ai le souvenir de moments très joyeux mais aussi d’un désespoir très sombre. Une certaine cyclothymie trahissait la trame de sa vie où les moments de grande joie cédaient la place à la désillusion aussi bien sur le plan privé que sur le plan politique », a ajouté M. Reynders.

« Lors des négociations de 1999, il a noué facilement le contact avec les autres négociateurs. Il a eu à coeur de montrer qu’Ecolo s’occupait de bien d’autres thèmes que de la protection de la nature et de défendre son parti pour qu’il ne soit pas écrasé par d’autres formations qui avaient une plus grande expérience de la négociation », a-t-il encore dit.

Autre partenaire de cette majorité, Guy Verhofstadt se souvient de Jacky Morael comme d’un « homme politique passionné et innovateur ». « Il a porté son parti à des sommets inédits et était l’une des forces motrices du gouvernement arc-en-ciel, qu’il a aidé à mettre sur pieds. »

Louis Michel parle d’un homme « chaleureux, rassembleur, loyal, intègre », « fédéraliste convaincu porteur des accords de la Saint-Michel et de la Saint-Quentin ». « Il a été et restera une référence pour les écologistes, et au-delà pour toutes les femmes et tous les hommes politiques. »

« La disparition de Jacky Morael est une grande perte pour l’écologie politique du pays, mais aussi pour l’ensemble des femmes et des hommes qui ont pu travailler avec lui ou simplement le côtoyer », estime le président du PS, Elio Di Rupo. « Il était d’une grande droiture et d’une parfaite intégrité, un exemple d’engagement et de conviction. »

Le ministre-président wallon Paul Magnette fait état d’une « infinie tristesse », évoquant « un homme de convictions qui a marqué toute une génération, la mienne ».

Il « a su conjuguer les talents d’homme d’Etat, de stratège politique ainsi que de pédagogue au regard pétillant », réagit le président du cdH Benoit Lutgen. « La politique belge perd bien trop tôt un de ses grands talents. »

Joëlle Milquet se rappelle d’un homme « brillant, innovant et engagé » qui « avait une réelle vision de société alternative, un sens important de la convivialité et une capacité de convictions et de négociation fortes ».

Le porte-parole du PTB, Raoul Hedebouw, a lui des « pensées émues » en repensant à « tous les débats constructifs » qu’il a eus avec Jacky Morael.

Jean-Michel Javaux: Ce n’est pas une page qui se tourne, c’est tout un livre

Le bourgmestre d’Amay et ex-co-président d’Ecolo a rendu hommage à celui qui fut son père en politique. Il a salué son talent de visionnaire et sa volonté de toujours innover en politique.

« C’est une perte gigantesque. C’était un homme visionnaire, moderne. Parce que je l’ai rencontré, je suis entré en politique. Il m’a mis le pied à l’étrier comme à de nombreux jeunes. Encore aujourd’hui, je continuais à le consulter et à lui demander son avis », a expliqué M. Javaux.

« Jacky a assuré la transition entre les pères fondateurs et la génération actuelle. Il a donné beaucoup de crédit à Ecolo en l’ouvrant à de nombreux publics. Il pouvait être aussi à l’aise avec des ouvriers et des syndicalistes qu’avec des chefs d’entreprise. C’était aussi un stratège: il anticipait comme personne les questions qui survenaient ensuite dans l’actualité. En 1999, c’est lui qui a sauvé la Communauté française et l’enseignement francophone. Il a fait avancer la politique et était animé par la volonté de toujours innover en politique. Sa pensée était résolument moderne », a-t-il souligné.

Au-delà de la politique, les deux hommes étaient unis par l’amitié. « Jacky, ce sont des milliers d’anecdotes, des fous rires, des tablées d’amis réunis autour d’un bon repas ».

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