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J’étais aux voeux de Charles Michel, et tout est vrai

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Prosopographie. Si le terme est oublié, l’art qu’il évoque n’a pas encore disparu. Il consiste à construire des listes de gens et de choses caractéristiques d’un milieu donné. C’est un putain de plaisir.

Ainsi aux voeux du Premier ministre, Charles Michel, à la presse, ce 9 janvier, 18h30, château de Val Duchesse. Il fait fort chaud, il y a du champagne, des croquettes de crevettes et des asperges à la flamande. On est entre gens et choses bien. De quoi faire une belle liste.

C’est informel, rien de ce qui s’y est dit ne doit sortir des murs de l’ancien prieuré, et voilà ce que les gens bien ont pu voir et sentir :

– Un grand monsieur chauve en costume bleu – pas de nom, c’est du off – qui fait des blagues sur les socialistes ou les intercommunales ou les Liégeois mais de toute façon c’est la même chose non ? Il est entouré de gens bien, des journalistes, tout au fil d’une soirée qu’il passera à dire qu’il s’en va sans jamais s’en aller. Il s’encercle des importants. Puis des moins importants. Puis des encore moins importants. Puis de ceux qui restent. Puis de ceux qui restent encore, dont un qui a un trou dans ses British Knights. Il est minuit, tout le monde est fatigué, mais le grand monsieur chauve en costume bleu reste, même s’il y a des heures qu’il dit qu’il s’en va. Il reste deux ministres qui baillent, une qui parle fort et un qui a la chemise qui pend. Derrière eux, posée sur un beau tapis posé sur un beau plancher, il y a une belle table en bois avec une belle nappe blanche. Posée dessus, la plus grosse tache de pinard du monde.

– Une ministre méchante et un journaliste méchant qui se disputent en vrai après s’être bagarrés dans le journal du journaliste méchant, et puis qui boivent un verre et puis qui deviennent copains. On a des photos. On les vend.

– Des chaussures. Des belles : les brunes des ministres c’est toujours bien chaussé un ministre, ou les molières vernies des collègues, celles qu’ils enfilent pour enterrer un confrère ou un ami, ou les rares escarpins des consoeurs. Ou des laides : avec leur trou dans ces vieilles British Knights. Et puis des gilets sur des tee-shirts ou des vestons sur des polars – pas de nom, c’est du off.

– Des Flamands, des Wallons, des femmes, des hommes, des homos, des hétéros, des bi, de tout. Mais pas de Maghrébins. Sauf ceux qui servent, qui le sont tous. Mais la jolie présentatrice d’un JT arrive. L’honneur de l’Union fait la force est sauf.

– Tout le gouvernement (sauf – pas de nom mais ils ne sont pas là – Didier Reynders, qui avait vomi, et Daniel Bacquelaine, qui est Liégeois mais de toute façon c’est la même chose) sur une estrade. Et le grand monsieur chauve en costume bleu commence son discours sympa. Et un grand blond bronzé à la triste figure crollée fend la foule. Il avait oublié qu’il devait monter sur l’estrade. Ses collègues, qui ne l’avaient pas appelé, aussi. Il avait oublié qu’il était ministre. Nous aussi. Meilleurs voeux, Monsieur De Crem (1).

(1) L’anonymat de chacun a été scrupuleusement respecté. Sauf de celui qui incarne tant cette notion que sa protection lui est superflue, tant qu’il en est devenu l’antonomase. Allez voir dans le dictionnaire : le De Crem de tous les intervenants a bien été préservé.

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