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J’étais au dernier conseil communal d’Yvan Mayeur, et tout est vrai

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On a les légendes urbaines qu’on mérite. Peuplade blagueuse et baroque qui vénère un petit garçon qui a fait pipi pour éteindre un incendie, les Bruxellois racontent partout que le type qui a construit leur hôtel de ville s’est suicidé quand il s’est aperçu que l’édifice portait deux ailes de taille différente.

En fait, personne n’y était, et sans doute que rien de tout ça n’est vrai. Mais deux fois par mois, 49 notables prolongent fièrement l’absurdité de ces légendes capitolines.

Ils sont conseillers communaux de Bruxelles, et siègent dans une étouffante salle lambrissée qui craque quand on la traverse.

On était mardi 6 juin au dernier conseil d’Yvan Mayeur comme bourgmestre. Tout est vrai, et tout est fou comme un recueil de fables du Brabant médiéval.

On y était et c’est si vrai que c’est fou que Bruxelles est la seule ville du pays à convoquer ses conseillers deux fois par mois un après-midi de semaine, comme pour qu’on soit bien certain que seuls pourront y siéger des professionnels, et d’ailleurs ils sont presque tous aussi députés ou assistants parlementaires ou attachés ministériels sans doute pour rester connectés à la réalité du terrain.

On y était et c’est si vrai que c’est fou que la salle du conseil de la capitale du pays contient assez de place pour asseoir, en plus des 49 conseillers, des deux traducteurs et de deux ou trois fonctionnaires, pas moins de huit citoyens, comme pour qu’on soit bien certain que seuls pourront y assister ceux qui n’ont que ça à faire, c’est-à-dire peu de monde. Pourtant, ce 6 juin, il y en avait beaucoup, du monde, des conseillers assis et leurs conseillers debout, des journalistes serrés à se mélanger les haleines, des citoyens en colère, rien qu’une dizaine ça fait beaucoup, et même quelques militants du PTB, c’est un signe.

On y était et c’est si fou qu’on a entendu un député-échevin socialiste crier  » Maingain, démisssion !  » à un conseiller-député DéFI, et aussi qu’on a vu une députée et ancienne journaliste de la télévision privée aller se chercher des raisins blancs frais dans une arrière-salle toute fraîche et qu’on a vu les journalistes de maintenant lui regarder les raisins comme s’ils n’avaient jamais rien vu d’aussi frais et, surtout, qu’on a vu Joëlle Milquet arriver en avance de vingt minutes à une réunion.

Et c’est si fou qu’Yvan Mayeur qui présidait sa dernière séance a parlé de tout et à tout le monde sauf de ce pour quoi tout le monde était là, c’est-à-dire du Samusocial.

C’est si fou que c’est Pascale Peraita qui a dû répondre aux questions que tout le monde posait à Yvan Mayeur, et qu’elle a lu un texte qui disait précisément le contraire de ce qu’elle avait dit trois jours plus tôt au journal Le Soir, et qu’elle le lisait si bien qu’un moment elle a dit  » point d’interrogation  » parce qu’il y avait un point d’interrogation sur le texte qu’elle lisait si bien.

On y était, et c’est si vrai que quand il a dit merci et qu’il est passé au point suivant sans répondre à rien, tout le monde a compris qu’Yvan Mayeur, au fond, c’était un petit monsieur qui avait allumé des incendies en faisant pipi sur tout le monde et qui n’avait pas vu qu’il se suicidait. Comme un chapitre neuf d’une antique légende urbaine.

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