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Ivan Van de Cloot: « Cet accord sur le budget témoigne d’une procrastination pathologique »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

La nuit de mardi à mercredi, le gouvernement fédéral s’est mis d’accord sur le budget et une série de mesures sociales et économiques qui, selon ses dires, doivent continuer à stimuler le pays. Pour Ivan Van de Cloot, économiste principal de l’Institut Itinera, le gouvernement souhaite surtout éviter de perdre la face.

Monsieur Van de Cloot, le gouvernement vient d’annoncer son accord estival en grande pompe. Qu’est-ce que vous pensez de l’ensemble ?

Le gouvernement déclare que cet accord « reflète l’ADN du gouvernement ». Cela pourrait s’avérer exact, si cet ADN consiste à éviter de perdre la face. Tous les partenaires de la coalition veulent éviter de décevoir leur base, l’accord ne va pas plus loin que cela.

Le MR et l’Open VLD sont fiers de leur exonération jusqu’à un certain montant pour la première tranche du précompte mobilier. Ils comparent cette mesure à Cooreman-Declerq, alors qu’il ne s’agit que de quelques euros. Ceux qui se souviennent de Cooreman-Declerq savent qu’il ne s’agit que d’une mascarade. Ainsi, tous les partenaires de la coalition ont quelque chose qui leur permet d’éviter complètement de perdre la face, et qu’ils présentent comme une réforme approfondie.

Vous ne semblez pas très impressionné?

On dirait que tout le monde souffre d’amnésie. Quand les négociations ont commencé, les partis voulaient économiser 5,4 milliards d’euros. À présent, il s’avère qu’ils n’économisent rien du tout. On a réduit ces dépenses à 2,6 milliards d’euros. Maintenant, les partis du gouvernement déclarent qu’ils veulent attendre octobre pour trouver ce dernier montant. Le véritable enjeu, à savoir comment ils vont trouver ces milliards, a tout simplement été reporté.

Cet accord frappe surtout par ce qui manque. C’est de la procrastination pathologique. Avant les négociations, le gouvernement avait promis d’assainir structurellement les dépenses. Pour le faire de manière approfondie, il faut se préparer pendant au moins deux ans. Et que fait ce gouvernement ? Il commence à faire des économies la veille du contrôle budgétaire.

Le gouvernement explique qu’il ne veut pas détruire l’économie à coup de mesures trop austères maintenant qu’elle remonte enfin.

Il y a même déjà des signes que l’économie surchauffe et qu’il vaut donc mieux freiner un peu. Quand l’économie va mal, il ne faut pas trop serrer la ceinture, mais quand elle va bien, il faut épargner. Ces circonstances favorables ne vont pas durer. Si le gouvernement ne se met pas à corriger ses dettes au compte-gouttes, quand le fera-t-il ? Un état ne peut pas vivre en permanence au-dessus de ses moyens.

Pour ce qui est du compte-titre : certains affirment déjà que l’estimation de 254 millions d’euros que doit rapporter la taxe n’est pas réaliste.

C’est ce que les gouvernements en Belgique font depuis quinze ans. Ils mettent quelque chose sur papier et partent du principe que dans quelques années plus personne ne vérifiera si les annonces ont bel et bien été réalisées. Les fiscalistes sont déjà en train de chercher des échappatoires pour les portefeuilles de titres importants. À court terme, il y aura peut-être des bénéfices, mais à long terme, il y en aura moins que prévu. Mais d’ici là tout le monde aura oublié que cette mesure a été présentée comme une grande réforme, ce qu’elle n’est pas.

Le gouvernement prévoit également une seconde piste pour les épargnes-pensions. Désormais, les contribuables peuvent épargner jusqu’à 1200 euros et bénéficier d’un avantage fiscal de 25%. Comparé au système actuel, cela rapporte 18 euros de plus. Cela en vaut-il la peine ?

C’est surtout une toute petite opération utilisée davantage pour la symbolique que pour le fond. Je pense que beaucoup de gens sont convaincus que leur pension est exonérée de 18 euros supplémentaires. Cela permet aussi de déplacer le pouvoir d’achat d’aujourd’hui à l’avenir.

Cependant, le gouvernement a baissé l’impôt des sociétés de 33 à 25%. Celui-ci bénéficiera-t-il aux PME et aux grandes entreprises ?

Avant les négociations, l’impôt des sociétés s’élevait à 33% et le précompte mobilier à 15%. Si vous versez vos bénéfices aux actionnaires, vous devez payer un précompte mobilier sur cette somme. Pour tous ceux qui savent compter, c’est un total de 48%. À présent, cet impôt sur les sociétés évolue vers 25%, mais entre-temps le précompte mobilier a augmenté à 27%. Donc nous commençons et finissons à peu près à la même hauteur, mais on présente cela comme s’ils avaient effectivement réalisé une baisse d’impôts.

En d’autres termes, c’est donner d’une main et reprendre de l’autre ?

Pour beaucoup d’entreprises, ce sera effectivement le cas. Pour certaines, ce sera un peu mieux, pour d’autres un peu moins bien. Et c’est ce qu’on présente comme une grande réforme.

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