Christine Laurent

Intégration et cohabitation : oser avec sagesse

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Dire oui au changement, le fondement de toute sagesse. Oui mais à quel changement ? Une évolution douce ou un réel bouleversement ?

Par Christine Laurent

En 2030, Bruxelles comptera probablement plus de 1 350 000 habitants. Un chiffre qui donne le vertige. Une véritable secousse pour l’une des villes les plus métissées d’Europe. Et qui verra le visage de sa population profondément modifié. Comme Rotterdam, Marseille ou Malmö. Rien moins qu’une révolution aux entrelacs complexes. Un mouvement irréversible. Un flux et un reflux, la natalité au sein des communautés immigrées et les migrations internationales venant compenser à terme l’exode des classes moyennes bruxelloises vers le Brabant wallon et le Hainaut. « Un processus de substitution démographique » bien connu des spécialistes. Un défi majeur pour le bien vivre ensemble.

Pas simple. Car, aujourd’hui déjà, la capitale de l’Europe doit apprendre l’intégration, la difficile cohabitation. On le sait bien, dans les communes dominées par des courants musulmans majoritaires, la méfiance, nourrie de mécontentement, a créé des fissures, des conflits larvés, des crispations, des replis identitaires qui devront être abordés en profondeur pour permettre un futur apaisé. Car il ne suffit pas de mettre les gens côte à côte pour qu’ils apprennent à vivre ensemble. Si la diversité culturelle est une richesse, elle peut aussi être source de vraies tensions.

Le capitalisme mondial, l’intégration européenne, l’effacement du sentiment national, la perte généralisée de la foi ont ébranlé profondément notre société occidentale confrontée, désormais, à un islam dont les pratiques religieuses et sociales heurtent les concepts laïques. D’autant plus que le diable peut, aussi, se glisser subrepticement dans le divin. Toutes religions confondues. Surtout quand elles prétendent détenir LA vérité. Et qu’elles sont confisquées par les intégristes. Accepter le prescrit religieux avant le contrat social ? Le prosélytisme combattant ? Une vision théocratique de la vie ?

Impossible quand on a écarté depuis des siècles la religion de la sphère publique. Or, lentement, mais sûrement, de nouveaux codes culturels s’imposent au coeur de nos sociétés, avec des ramifications dans la vie publique, l’entreprise, l’école… Comment modérer, adapter, négocier ces pratiques avec notre réalité ? Se prévaloir de privilèges est-il compatible avec le souci d’une cohabitation équilibrée ? Où mettre les balises, quels « accommodements raisonnables » acceptables pour tous, et pas seulement par l’une ou l’autre communauté ?

Voir sous les apparences, entendre derrière les bruits, fouiller au plus profond, au-delà des préjugés et des étiquettes qui collent à la peau, certes. Mais sans naïveté angélique ni stigmatisation. Comment chacun d’entre nous peut-il vivre paisiblement dans le regard de l’autre s’il est haineux ? Jouer les martyrs à tout propos, multiplier les accusations d’islamophobie à tout-va ne permettent pas un dialogue minimum. Un sain débat implique la clarté, la transparence, la confiance, la tolérance et l’absence de tabous. Du volontarisme.

Un terrain glissant pour nos politiques dont les positions jusqu’ici apparaissent bien flottantes. Peur de l’idéologiquement incorrect ? Crainte de perdre les voix musulmanes qui font la différence dans une élection, surtout à Bruxelles ? Un flou qui est tout bénéfice, hélas, pour les extrêmes.

Pour résoudre le bien vivre ensemble, il faudra davantage que cinq minutes de courage politique. Faire le choix de la parole vraie, de la rigueur intellectuelle. « L’esprit de paix ne vient pas naturellement aux hommes, il se construit, il s’éduque », rappelle Amin Maalouf. Un sage.

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