Incivilités : un fouillis inextricable

La matière sécuritaire est devenue un fouillis inextricable. Agent constatateur (son constat n’a pas valeur probante comme un procès-verbal), agent de police (il peut dresser un P-V mais ne peut recourir à la force), fonctionnaire de police (il peut dresser P-V et recourir à la force). Et là, on n’a pas encore parlé des « stewards », « gardiens de la paix » ou des « fonctionnaires sanctionnateurs » qui ont quelque chose à dire aux individus cracheurs, aux propriétaires de chiens désinvoltes, aux jeteurs de mégots incontrôlables, aux machos sexistes, aux jeteurs clandestins de déchets…

Le filet répressif s’étend de jour en jour mais son efficacité semble régresser à mesure. Ce qui, paradoxalement, va encourager le sentiment d’impunité. Ou d’inconscience : est-on bien sûr que tout le monde sache qu’il est interdit de cracher par terre ? De grandes campagnes de prévention ne seraient-elles pas plus utiles à long terme ? Avec son insoutenable teasing sur les amendes administratives, la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH), frappe un grand coup symbolique à l’avant-veille des élections communales. Elle n’est pas la seule à en profiter. Tous les membres du gouvernement pourront récolter quelques miettes de ce durcissement annoncé envers ceux qui, au quotidien, nous pourrissent le vivre-ensemble.

Le trait se durcit en apparence: plus grande variété des incivilités potentiellement réprimées, âge abaissé à 14 ans des « inciviques », « taxes » plus élevées, interdiction de fréquenter certains lieux. Mais le dispositif lui-même ne change pas et ne sera pas davantage performant qu’aujourd’hui. Il dépendra de la volonté des communes de s’emparer de l’outil des sanctions administratives dont les juristes ont déjà dit tout le mal qu’il fallait en penser (glissement de la répression de la justice vers les autorités administratives). Sans compter l’éternelle rareté des moyens en personnel. La seule vraie question est la suivante : mais que fait la police ? Elle seule dispose des deux armes légales que sont le procès-verbal et le recours à la force. On en revient toujours à la nécessité de réformer la réforme des services de police pour remettre les policiers dans la rue, au plus près des populations, pour aider mais aussi pour rappeler la norme, avec le seul argument qui marche dans certains cas : la contrainte légale. La commissaire générale de la police fédérale, Catherine De Bolle, s’y attelle. La tâche n’est pas aisée, elle vaudra certainement une bonne dose d’ impopularité à la ministre de l’Intérieur quand celle-ci touchera à certaines zones de confort. On attend d’elle autant de fermeté dans les actes qu’en paroles.

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