Incendie des Mésanges : enfin, mais trop peu

La prescription n’a pas tué le procès de l’incendie des Mésanges, dix ans après le drame. Mais il en reste un goût de trop peu, car les enjeux politiques étaient pesants.

Le débat judiciaire a eu lieu, de justesse. L’incendie des Mésanges n’est pas resté impuni. Le tribunal correctionnel de Mons a jugé la société coopérative Toit & Moi (ex-Sorelobo) « coupable » d’homicide involontaire par défaut de prévoyance et de précaution et deux de ses responsables ont été déclarés « fautifs ». Le procès civil va pouvoir s’ouvrir et les cinquante victimes (dont les familles des sept personnes décédées) seront vraisemblablement indemnisées. Satisfaisant ? Oui, car la justice est passée. Non, car il y a eu tant d’anomalies dans cette affaire qu’il en reste une amertume. L’appareil judiciaire montois s’est montré particulièrement faible à l’égard d’un environnement politique pesant. En face, les allocataires sociaux n’avaient pas d’autres relais que leurs avocats, le comité des victimes animé par John Joos, l’opinion publique, les médias.

Au moment de l’incendie, en 2003, Elio Di Rupo était déjà le bourgmestre de la ville et le président du PS. Responsable des pompiers et membre du conseil d’administration de la Sorelobo, il n’avait qu’une vue indirecte sur l’état inquiétant de la sécurité incendie dans certains immeubles de logements sociaux de sa commune. Inculpé comme les autres membres du conseil d’administration de la Sorelobo, il a logiquement bénéficié d’un non-lieu. Mais son entourage a tout fait pour éliminer ce qui aurait pu, par ricochet, lui porter préjudice en termes d’image avec, hélas, le soutien du parquet, de la même obédience que lui. Des décisions ont traîné. Fallait-il ou non interroger Didier Donfut et Claude Durieux, l’un pour la gestion passée de la Sorelobo, l’autre pour son rôle à la tête de la société de logements sociaux au moment de l’incendie ? L’un a été fait secrétaire d’État wallon et l’autre gouverneur de la province de Hainaut, avec la bénédiction, si l’on peut dire, de l’avocat général Jean-Claude Leys, qui a blanchi Claude Durieux sans débat contradictoire. Les années s’ajoutaient ainsi aux années, en tergiversations et manoeuvres dilatoires, au grand désespoir des victimes. Finalement, le parquet de première instance, avec un nouveau responsable à sa tête, a mis le turbo. Mais des pans entiers de la mal gouvernance montoise n’ont pas été inventoriés.

De son côté, la Sorelobo, rebaptisée Toit&Moi en 2005, a tenté de se réformer et d’améliorer son parc locatif grâce au milliard d’euros que le PS au pouvoir à la Région wallonne a fait alors pleuvoir sur le logement social wallon. Cependant, l’utilisation des 200 millions d’euros perçus par la Sorelobo dans le cadre du PEI (Programme exceptionnel d’investissements pour la rénovation du logement social wallon) a été mise en cause. Malversations ? Une enquête est toujours en cours au parquet de Mons, ainsi qu’à propos du dossier dit de « la gestion de Raphaël Pollet ». Car de mauvaises habitudes, comme celle d’abuser des fonds publics ou de promouvoir des copains, ont perduré localement, avec l’excuse d’une gestion qui, pour être efficace, devait se rapprocher de celle du privé. Le directeur général de la Société wallonne du logement, Alain Rosenoer, aujourd’hui tenu en haute suspicion par son ministre de tutelle, était déjà en place et l’est toujours. Qui oserait prétendre que l' »estompement de la norme » s’est définitivement évaporé des moeurs du logement social ?

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