Pierre Havaux

Inburgering : un excès de zèle à intégrer

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Geert Bourgeois (N-VA) rêve de reculer les limites de l’intégration obligatoire en Flandre. Nouveau groupe cible : les Européens de l’Est, Roms compris. Pour contourner le veto de l’Europe, le ministre flamand de l’Inburgering pratique l’intégration… par la bande.

Toujours plus loin, toujours remettre l’ouvrage sur le métier. La Flandre n’a pas fini de tourner la page de la francisation de son territoire. Elle doit toujours faire face aux flux migratoires venus du Maroc ou de Turquie. Et voilà qu’une nouvelle vague, venue d’Europe centrale et orientale, vient perturber ses plans d’intégration.

Car la Flandre, avec une belle ardeur d’avance sur ses voisins wallon et bruxellois, a bel et bien un plan pour intégrer les non-Européens qui choisissent de s’installer sur son sol : l’Inburgering, ou parcours d’intégration civique. A caractère contraignant.
Ce passage obligé n’est pas la recette miracle. Son grand ordonnateur, le ministre flamand de l’Inburgering Geert Bourgeois (N-VA), admet volontiers les limites de la démarche : « Nous ne pouvons pas dire que le résultat atteint soit bon. » Mais il se console comme il peut : « la Flandre performe moins mal que la Belgique, et enregistre un score nettement meilleur que Bruxelles et la Wallonie. »

Cette raison est suffisante, aux yeux de Geert Bourgeois, pour ne pas s’arrêter en si bon chemin. Et pour braquer l’Inburgering et son arsenal (cours linguistique, initiation civique, encadrement par des coachs) sur un nouveau groupe cible en voie d’expansion : les européens de l’Est. Ils représentent aujourd’hui 35 à 36% du flux migratoire en Flandre (13.064 ressortissants en 2012.)

Le top 5 des pays pourvoyeurs d’immigrants en Flandre en est tout bouleversé : après les Hollandais, les Polonais, les Roumains et les Bulgares devancent les Marocains. Les Turcs sont relégués à la dixième place du classement. Geert Bourgeois aimerait aussi leur faire goûter aux vertus de l’Inburgering obligatoire.

Le ministre s’y est plutôt mal pris en dévoilant ses intentions. Prétendre vouloir relever le défi en ciblant le groupe spécifique des Roms, n’était pas des plus intelligent en terme de com’. C’est le Centre pour l’Egalité des chances qui le dit, en réagissant au quart de tour : « si le ministre veut imposer le parcours d’intégration aux seuls Roms, il devra les identifier et se livrer à une sélection raciale. »

Fâcheuse référence, contre laquelle Geert Bourgeois s’est aussitôt élevé. Le ministre N-VA a d’autres ambitions : ce sont tous les citoyens de l’Union européenne qu’il voudrait soumettre au parcours d’intégration.

Il a tout aussi peu de chance de mettre ses intentions à exécution. Il lui faudrait pour cela passer outre à la sacro-sainte libre circulation des personnes. Un dogme, pour l’Union européenne. Qui contrarie et chagrine Geert Bourgeois : « Dommage. Le refus de l’Union européenne de nous autoriser à imposer un trajet d’intégration obligatoire nous amène à mener une politique avec une main liée dans le dos. »

L’appel au volontariat a ses limites. Le ministre le déplore : « à peine 11 à 12% des nouveaux arrivants venus d’Europe de l’Est signent un contrat d’intégration. »

Il en faut plus pour abattre Geert Bourgeois. Heureusement, il existe des procédés alternatifs. « Les CPAS et le VDAB (NDLR : équivalent du Forem) peuvent contraindre à suivre un trajet d’intégration, sans le faire directement via la législation. » C’est le cas lorsqu’une allocation ou un revenu d’intégration est en jeu : « Le VDAB peut alors dire que ces personnes concernées doivent suivre des leçons de néerlandais ou une formation. »

Une politique indirecte du bâton. Un lot de consolation pour Geert Bourgeois.

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