© Guy Delahaye

Inauguration du Théâtre de Liège : to belge or not to belge

Roméo et Juliette » version belge, mais en collant au plus près au texte de Shakespeare : c’est le pari relevé par Yves Beaunesne en ouverture du nouveau Théâtre de Liège.

Roméo le Wallon face à Juliette la Flamande : fallait-il cette histoire d’amour tragique pour exorciser le conflit belge ? C’est le pari qu’a fait le metteur en scène belge Yves Beaunesne (Boonen pour l’état civil), directeur du centre dramatique de Poitou- Charentes (France). Un projet convenu ? Personne ne l’avait jamais tenté avant lui. Il est d’autant moins banal que Beaunesne a collé au plus près du texte de Shakespeare, superbement traduit par Marion Bernède, et qu’il a embarqué une douzaine d’acteurs des deux communautés (dont François Beukelaers, Patrick Descamps, Evelien Bosmans), chacun jouant dans sa langue, avec surtitrage dans l’autre.

Les acteurs ont toutefois fait l’effort d’apprendre l’autre langue : « Au début, on restait entre soi lors des repas communs, surtout les jeunes, pour la plupart unilingues, témoigne le metteur en scène, qui s’est adjoint les services d’un assistant flamand. Aujourd’hui, c’est devenu un magnifique melting pot où français et néerlandais se mélangent ». La différence communautaire s’est également marquée dans le jeu théâtral. Au départ, les acteurs wallons, formés dans la tradition des classiques français, traitaient avec respect le texte de Shakespeare, alors que les Flamands osaient beaucoup plus, comme s’il s’agissait d’un auteur contemporain.

Au final, cela donne une détonante confrontation portée par une jouissante mise en scène. Des Montaigu wallons et des Capulet flamands ? Le choix s’est imposé très vite. « Les Capulet sont des gens travailleurs, avec des principes, qui se sont battus pour leur identité, avec ce côté nouveau riche, et une capacité à dire les choses sans fioritures, raconte Yves Beaunesne. Pour eux, le néerlandais convient à merveille. Au contraire, les Montaigu sont plus cigales que fourmis, plus rêveurs aussi, à l’instar de Mercutio qui affectionne les jeux de mots et le langage poétique, pour lequel le français est davantage adapté. »

Une touche de rock

L’idée germait dans la tête de Beaunesne depuis 2009. « Lors d’une réunion de famille à Marcinelle, j’ai constaté les difficultés de communiquer entre cousins francophones et flamands, alors qu’on a le même ADN. Certains sujets n’étaient pas abordés. Les Wallons tentaient de baragouiner le flamand, mais face à leur incapacité, tout le monde finissait par parler français. J’arrivais de France et j’avais du mal à m’y faire. » Pour lui, le néerlandais devrait être la deuxième langue obligatoire en Wallonie. « Lors de notre tournée en France, certains spectateurs m’ont confié spontanément que le néerlandais évoquait pour eux du vieil anglais, ils trouvaient cela attirant pour l’oreille. » Nulle langue n’est prophète en son pays…

Même la création musicale aura une consonance belge. Le groupe de rock liégeois My Little Cheap Dictaphone apportera une touche de rock à l’oeuvre de Shakespeare, tandis que la jeune chanteuse flamande Elke De Mey y ajoutera sa voix talentueuse. Last but not least, la pièce fera l’ouverture du tout nouveau Théâtre de Liège, qui a pris ses quartiers dans le bâtiment de la Société libre d’Emulation, entièrement rénové. Pareil spectacle mérite un aussi bel écrin.

Roméo et Juliette, au Théâtre de Liège, du 3 au 12/10, à Louvain- la-Neuve (Aula Magna) du 15 au 25/10, à Gand (NTGent) les 26 et 27/11, à Bruxelles (Le Public) du 7/1 au 15/2/2014.

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