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Impôts : « Le contribuable sera perdant en 2015 »

Le Vif

Arnaud Scheyvaerts est avocat fiscaliste au sein du cabinet bruxellois Xirius. Il ne voit pas encore les prémices d’une grande réforme fiscale dans la déclaration fiscale de cette année. Et répète qu’il s’agira d’un exercice très compliqué à réaliser.

Le Vif/L’Express: Faut-il être fiscaliste pour parvenir à remplir sa déclaration sans erreur ?

Arnaud Scheyvaerts : Non, pas spécialement. Chaque cas est bien évidemment différent. Ceux qui disposent d’une situation personnelle et professionnelle stable peuvent aisément remplir leur déclaration. Pour les autres, cela pourrait s’avérer plus compliqué. La déclaration s’est complexifiée cette année puisque 43 nouveaux codes apparaissent. Ils peuvent donc s’apprêter à passer davantage de soirées derrière leur ordinateur. Les cas qui demandent une certaine analyse seront plus nombreux. Ce qui augmentera les possibilités de faire des erreurs.

D’où la nécessité de faire davantage appel à des experts ?

Il est probable que les comptables et les fiscalistes seront beaucoup plus sollicités dans les prochaines semaines. De nombreuses personnes, qui ne faisaient pas appel à un comptable, demanderont sans doute une vérification de leur déclaration.

Au bout du compte, le contribuable sera-t-il gagnant ou perdant en 2015 ?

Perdant, sans hésitation. Le bonus-logement en est le meilleur exemple. Dans ce cadre, le contribuable flamand sera d’ailleurs davantage impacté que le bruxellois et le wallon. Pour le reste, plusieurs réductions d’impôts ont été supprimées ou rabotées. On pense notamment aux titres-services. Des indexations ont également disparu de la circulation (revenus de remplacement, économies d’énergie, véhicule électrique, etc.). Et en 2016, les déductions d’impôts liées à la sécurisation de l’habitation seront également supprimées.

Sent-on les prémices d’une future réforme fiscale dans la déclaration 2015 ?

Nous observons en tout cas une certaine volonté de diminuer la taxation sur le travail. Mais la réforme reste relativement modérée. Il faut reconnaître que le gouvernement l’a bien vendue. Car dans les chiffres, après une analyse approfondie, les bénéfices pour les contribuables ne sont que mineurs. Un exemple : l’augmentation du forfait pour les frais professionnels déductibles sensée augmenter le pouvoir d’achat n’augmente en réalité le salaire net des salariés que d’une dizaine d’euros par mois.

Quels sont alors les freins ?

En fait, réaliser une telle réforme n’est pas aisé. Car il est plus facile pour l’Etat de contrôler les revenus sur le travail que les revenus mobiliers ou immobiliers. L’accent est donc mis dans un premier temps sur ce paramètre. D’autant que le nombre de contribuables concernés par l’imposition des revenus du travail est plus important que ceux, par exemple, concernés par les plus-values sur actions. Précisons qu’en principe les impôts les plus rentables pour l’Etat sont ceux qui touchent le plus de contribuables. Dans cette optique, un impôt sur la fortune ne rapporterait finalement que peu d’argent à l’Etat. Il s’agirait principalement d’une mesure symbolique.

Où en est le fameux tax-shift annoncé par le gouvernement ?

Malgré les annonces faites ces derniers mois, il n’y a pas encore eu de déplacement d’impôts. De toute évidence, lancer une grande réforme fiscale est un exercice extrêmement compliqué. Car chaque décision créera, par ricochet, de nouveaux débats. Des exemples ? L’idée de taxer les loyers revient chaque année. Certains experts craignent toutefois que cela se répercute sur les locataires et augmente les difficultés pour certaines familles à trouver un logement Taxer les plus-values sur actions pourrait pousser de nombreux contribuables à quitter le pays. Même topo avec les droits d’auteurs. Bref, il s’agit d’un débat très compliqué. Mais il faudra avoir le courage de l’effectuer.

Entretien : Xavier Attout

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