© Image Globe / JULIEN WARNAND

Immigration : 72% des Belges la jugent négative

C’est le genre de photographie de l’état de l’opinion à laquelle le monde politique n’aime pas trop se confronter. D’après le sondage en ligne réalisé en juin dernier par Ipsos dans 23 pays développés, la Belgique (échantillon de 500 personnes, marge d’erreur maximale de 4,5 %) apparaît comme l’un des pays les plus hostiles à l’immigration.

A la question, qui ne contient, aucun jugement de valeur : « Selon vous, le nombre de migrants a-t-il augmenté dans votre pays au cours des cinq dernières années ? », les Belges arrivent en tête, devant les Italiens. Ils répondent massivement « oui » (94 %). Les chiffres leur donnent raison. D’après Eurostat, en 2010, la population belge a augmenté de 78 500 personnes, dont les deux-tiers issues des flux migratoires. A l’heure qu’il est, le cap des 11 millions d’habitants est certainement franchi. L’opinion selon laquelle « Il y a trop d’immigrés dans votre pays » est partagée par 77 % des Russes, 72 % des Belges et 71 % des Britanniques. Un ras-le-bol qui tranche manifestement avec l’opinion moyenne du « citoyen global », qui n’est cependant pas extrêmement favorable (52 % en phase avec l’idée de « trop-plein »). Et l’on en vient au résultat le plus explosif de cette vaste enquête. A la question « Diriez-vous que l’immigration a eu généralement un impact positif ou négatif sur votre pays ? », 72 % des Belges, en tête, répondent négativement. Ils devancent l’Afrique du Sud et la Russie, la moyenne des pays sondés s’établissant à 45 %. Les Belges pensent aussi (68 %) que les immigrés pèsent trop lourd sur les services publics. Seuls le Royaume-Uni (76 %) et l’Espagne (70 %) sont plus sévères.

Pour les scientifiques interrogés par le Vif/L’Express, les Belges ont classiquement l’une des opinions les plus négatives à l’égard de l’immigration en Europe de l’Ouest. Ce n’est pas vraiment une surprise pour eux. En revanche, ils pointent des éléments d’explication, comme le fait que c’est surtout l’immigration déjà installée et, probablement, la religion musulmane qui concentrent la méfiance des personnes interrogées. Les différences entre les Régions du pays sont également troublantes, comme le révèle le détail exclusif fourni par Ipsos au Vif/L’Express : bien plus dures en Flandre, mais pas tellement moins qu’en Wallonie, finalement. Bruxelles se détache comme une « place » plus positive, ceci s’expliquant, d’une part, par le nombre plus élevé d’ « immigrés » sans doute sondés par Ipsos, et, d’autre part, par la plus grande fréquence des contacts interculturels.

A la différence des représentants du monde académique, enclins à chercher la raison de l’hostilité des Belges dans l’échec réel ou supposé des politiques d’intégration, Yvan Mayeur (PS), président du CPAS de Bruxelles-Ville, dénonce le non-contrôle de l’immigration illégale. Il faudrait traiter plus rapidement les demandes d’asile et ensuite, si la réponse est négative, organiser le retour des demandeurs déboutés, au lieu de leur laisser croire qu’à force de procédures, ils parviendront à rester. D’après lui, « les Belges ne sont pas racistes ». Le philosophe François De Smet et la directrice de la Fondation Roi Baudouin, Françoise Pissart, pensent aussi que l’absence de politique migratoire insécurise les Belges et suscitent les opinions qui se sont exprimées dans le sondage Ipsos.

Marie-Cécile Royen

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire