"Quels rapports de force politiques organisent cette inertie ? Une histoire commune peu avouable ?" s'interroge Marc Hody (Ecolo). © HATIM KAGHAT/ID PHOTO AGENCY

« Il y a toujours une main invisible chez Publifin »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Rescapé isolé du séisme, l’administrateur Ecolo Marc Hody dénonce l’opacité persistante d’une structure où le management incriminé reste roi. Tandis que le citoyen liégeois, lui, paie deux fois.

Il y est arrivé bien avant que le scandale n’éclate. En quatre ans et cinq mois, l’Ecolo Marc Hody a vu du pays dans l’intercommunale Publifin. Un pays où  » les affaires n’aiment pas le bruit « , comme le disait l’un de ses souverains aujourd’hui déchu, l’ex-PS André Gilles. Un pays toujours en proie aux flammes, un an après les révélations houleuses sur les rémunérations de ses comités de secteur et sur le système autocratique de sa filiale Nethys, mis en place par Stéphane Moreau. Un pays qui tente encore de bâillonner ses éventuels dissidents (Le Vif/L’Express du 4 janvier). Reconduit dans le nouveau conseil d’administration en juin 2017, Marc Hody dénonce le maintien du management pointé du doigt par la commission d’enquête.

Aviez-vous confiance en Publifin, anciennement Tecteo, avant le scandale révélé par Le Vif/L’Express le 20 décembre 2016 ?

Je reviens toujours sur le dossier emblématique des Editions de l’Avenir, en novembre 2013. A l’époque, toute une série de choses désagréables me sont arrivées.

C’est-à-dire ?

Quand j’arrive chez Tecteo en septembre 2013, je constate que j’ai le droit de poser des questions, mais vu qu’on ne l’a jamais fait, le management me répond en dehors du conseil d’administration, c’est-à-dire hors PV. Je romps un peu avec les traditions, et je vais le payer. Deux mois après, deux avocats mandatés par le management me rappellent mes devoirs d’administrateur de manière cinglante, pour avoir soi-disant trahi le huis clos quelques jours plus tôt. Ce qui est absurde, puisque je ne dispose alors d’aucune information. De son côté, Stéphane Moreau évoque même, hors PV, la possibilité de me révoquer, si je continue à me comporter de la sorte.

Aviez-vous le soutien des autres administrateurs ?

J’ai reçu un ou deux mails pour me demander si j’avais obtenu satisfaction, mais personne ne m’a soutenu franchement. Or, quand je vois la manière dont certains voudraient aujourd’hui se débarrasser des Editions de l’Avenir, je m’inquiète quant aux motivations réelles de l’époque.

Ce que vous dénoncez, c’est l’opacité des décisions imposées au conseil d’administration ?

Tout à fait. Le management informait les administrateurs selon son bon vouloir. Et ça vaut pour les comités de secteur. Pour rappel, Ecolo n’était pas à la table des négociations lors de leur création. En septembre 2013, Jean-Marie Gillon (NDLR : conseiller provincial Ecolo) m’avait rassuré quant au fonctionnement du comité de secteur  » Gaz « , dont les émoluments étaient versés sous la forme de jetons de présence. J’étais loin d’imaginer que des répartitions peu défendables s’étaient négociées dans les autres comités, et que ces désignations n’étaient qu’une manière de distribuer des mandats pour des raisons purement politiques.

Quel est le climat chez Publifin après le séisme de fin 2016 ?

Entre ce moment et la désignation du nouveau conseil d’administration, en juin 2017, j’ai l’impression d’être en absurdie. André Gilles en veut à ceux qui n’ont pas respecté le secret des affaires. C’est du  » brouhaha « , selon ses termes. Il semble animé par la conviction basique qu’il y a des gentils et des méchants.

Ce nouveau conseil d’administration a-t-il permis à la structure d’évoluer positivement ?

L’arrivée de Paul-Emile Mottard à la présidence a apporté plus de respect sur la forme quant aux questions posées. Nous avons désormais accès aux PV avant le conseil suivant, ce qui n’était pas le cas auparavant…

Mais ?

Mais vous imaginez avec quelles petites victoires on avance ! Il y a toujours une main invisible chez Publifin. Je n’identifie toujours pas les acteurs qui interagissent en amont pour faire en sorte que les décisions soient déjà prises avant le conseil d’administration. En mai 2017, Cédric Halin (NDLR : l’élu CDH qui a permis la révélation du scandale) et moi-même avons fait la proposition suivante : remboursement intégral des rémunérations indues, déduction faite des jetons de présence que les membres des comités de secteurs litigieux auraient dû percevoir en fonction de leur présence aux réunions. Notre projet de délibération n’a recueilli que deux votes, vous imaginez lesquels. Il a donc été rejeté. J’étais en incapacité de travail quand la convention ultérieure organisant un remboursement critiquable a été votée, en novembre dernier.

Vous pointez la responsabilité des partis ?

Ceux dont le comportement a été identifié comme problématique restent à l’impulsion. Raison pour laquelle Ecolo a décidé de ne plus envoyer d’administrateurs chez Nethys, faute d’un engagement politique clair, échelonné dans le temps, sur le renouvellement du management. Mais visiblement, PS, MR et CDH ne veulent pas remettre ça en question.

Ils ne veulent pas ou ils ne peuvent pas ?

C’est une excellente question. Quels rapports de force organisent cette inertie ? La loyauté entre quelques personnes ? Une histoire commune faite de moments peu avouables ? Pourquoi avoir liquidé André Gilles aussi vite ? Ces questions restent sans réponse.

Comment se manifestent, à l’heure actuelle, ces problèmes avec le management ?

Quand j’interpelle ses membres, on me répond :  » Tu sais, nous sommes déjà bien collaborants. Nous sommes là selon notre bon vouloir. Et si on avait voulu, tu aurais mis des mois à comprendre la structure.  » J’étais très fâché que l’argent public serve à financer une mission de consultance visant à critiquer le rapport de la commission d’enquête. Rendez-vous compte : le citoyen, via son impôt, paie des heures de travail parlementaire légitimes pour comprendre ce qui a dysfonctionné, et il paie dans le même temps une étude commanditée par le management de Nethys pour critiquer ce même travail ! Au bout du compte, il paie deux fois.

Vu sa trajectoire, êtes-vous encore optimiste pour l’avenir de Publifin ?

Je suis persuadé que Liège peut sortir de cette histoire par le haut. Mais après avoir dysfonctionné à ce point, est-on capable de se remettre en question avec les mêmes personnes ? Quand on voit l’attitude du management, tout est dit. Et la campagne n’augure rien de serein. Il faudra faire preuve de beaucoup de grandeur politique pour dépasser les motivations électorales.

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