La Marche Blanche en 1996 © BELGA

Il y a 20 ans, 300.000 personnes formaient la « Marche Blanche »

Il y a tout juste 20 ans, le dimanche 20 octobre 1996, quelque 300.000 personnes défilaient à Bruxelles pour réclamer une justice plus efficace et apporter leur soutien aux familles de Julie, Mélissa, An, Eefje, Laetitia, Sabine ainsi qu’à tous les enfants victimes de violences.

De par son ampleur, la « Marche Blanche » fera date dans l’histoire de la Belgique et précipitera, quelques jours plus tard, la mise en place d’une commission parlementaire chargée de se pencher sur les lacunes et dysfonctionnements de l’enquête sur l’affaire Dutroux.

Après l’arrestation, le 13 août 1996, de l’homme le plus détesté de Belgique et de ses complices Michelle Martin et Michel Lelièvre, la Belgique plonge dans l’horreur à mesure de leurs révélations. Si Laetitia Delhez et Sabine Dardenne sont libérées deux jours plus tard, les enquêteurs découvrent ensuite les cadavres de Julie et Mélissa, mortes de faim dans la cache de Marc Dutroux et enterrées dans son jardin, puis ceux d’An et d’Eefje enfouis chez Bernard Weinstein, à Jumet.

Peu avant la Marche Blanche, le juge en charge de l’instruction, Jean-Marc Connerotte, est dessaisi de l’affaire par la Cour de cassation par ce que l’on a appelé « l’arrêt spaghetti », provoquant l’incompréhension de l’opinion publique. La plus haute juridiction du pays, saisie par l’avocat de l’époque de Marc Dutroux, avait estimé que le juge d’instruction de Neufchâteau avait manqué d’impartialité lorsqu’en septembre 1996, il avait participé, en compagnie du procureur Bourlet, à un souper spaghetti dont les bénéfices devaient servir à financer les frais de défense de Laetitia Delhez.

Meurtris par la disparition de leurs enfants et désabusés par le fonctionnement de l’appareil judiciaire, plusieurs parents appellent alors à un rassemblement de grande ampleur. Dans un communiqué commun, Marie-Noëlle Bouzet, la mère d’Elizabeth Brichet, disparue en 1989, Carine et Gino Russo, Louisa et Jean-Denis Lejeune, Paul et Betty Marchal ainsi que la famille de Loubna Benaïssa, enlevée en 1992, invitent la population à prendre part à une marche apolitique. « Le blanc sera notre couleur, le symbole de nos enfants abîmés et assassinés, de l’innocence trahie, mais aussi d’une société pacifiée. Joignez-vous à nous avec une fleur ou un ballon blancs en signe de reconnaissance. Nous souhaitons que cette marche soit une démonstration de paix et de solidarité envers tous les enfants », écrivent-ils.

Le dimanche 20 octobre 1996, une vague de quelque 300.000 personnes déferle dans les rues de Bruxelles. Elle sera l’une des plus grandes manifestations de masse que la Belgique ait connues. Ballons blancs, casquettes blanches, fleurs blanches, T-shirts blancs, le symbole est au rendez-vous. A l’issue du parcours, les parents, réunis sur un podium, prennent tour à tour la parole pour évoquer un message de paix, sans toutefois épargner la Justice. « Nous avons cru que l’institution judiciaire allait nous aider. Nous avons dû déchanter. Jusqu’au jour où un juge a bien voulu considérer nos enfants comme des princesses à sauver. Je veux dire à tous ceux qui sont là pour te rendre hommage que tous les enfants sont des princes et des princesses. Que cette marche serve. Que jamais plus aucun enfant ne connaisse l’enfer sur terre », avait déclaré Carine Russo, faisant allusion sans le citer nommément à Jean-Marc Connerotte.

Dans la foulée, une commission parlementaire présidée par Marc Verwilghen sera mise sur pied. Dans deux rapports, elle constate que des lacunes et des dysfonctionnements existent dans la structure du système répressif belge et que des fautes ont été commises.

Plusieurs réformes permettront alors la création d’un parquet fédéral, compétent pour les grands dossiers criminels ainsi que la mise sur pied du tribunal de l’application des peines (TAP) qui, depuis 2007, se charge d’examiner les conditions de libération d’un détenu. La gendarmerie disparaîtra également au profit d’une police intégrée à deux niveaux: la police fédérale, d’une part, et la police locale, d’autre part. D’autres dossiers sont toujours à l’état de projets, comme la mise en place d’une école de la magistrature.

De l’élan suscité par les 300.000 marcheurs du 20 octobre 1996 naîtra également la Fondation pour Enfants Disparus et Sexuellement Exploités, plus connue sous le nom de Child Focus. Créée à l’initiative de Jean-Denis Lejeune, la Fondation collabore avec la police et traite plus d’un millier de disparitions par an.

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