Jan Jambon © Belga

« Il n’y a qu’à Bruxelles que le nombre de départs vers la Syrie ne baisse pas »

Contrairement aux autres régions du pays, le nombre de personnes partant se battre en Syrie ne baisse pas à Bruxelles. C’est en partie pour cette raison qu’il faut se concentrer sur la commune de Molenbeek-Saint-Jean, a confié dimanche, depuis Paris, le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA), réagissant au développement d’un plan d’approche spécifique de la radicalisation qui touche cette commune bruxelloise.

« Nous remarquons que de nombreuses filières sont présentes à Molenbeek », a expliqué M. Jambon, qui s’est entretenu à Paris avec son homologue français Bernard Cazeneuve, au surlendemain des attentats qui y ont été perpétrés vendredi soir.

« En outre, le nombre de départs baisse de manière systématique en Flandre et en Wallonie, alors qu’à Molenbeek des gens continuent à partir. C’est pourquoi, en collaboration avec et à la demande de la police, nous allons davantage nous concentrer sur Molenbeek. »

Le ministre n’est en revanche pas en mesure de communiquer sur le contenu concret de ce plan d’approche.

La sécurité, c’est partout, à Molenbeek comme ailleurs, fait remarquer Di Rupo

Le président du PS, Elio Di Rupo, n’a lui pas voulu entrer dimanche dans une polémique à propos de la commune Molenbeek, gérée pendant près de 20 ans par un bourgmestre socialiste, Philippe Moureaux.

« Nous devons garantir la sécurité partout, à Anvers, Verviers ou Molenbeek. Qu’il y ait un renforcement des moyens, ce sera positif mais nous devons être attentifs à tout le territoire. Il faut renforcer les moyens partout où c’est nécessaire. La situation est tellement grave que l’on doit se garder de toute attitude politicienne », a déclaré M. Di Rupo, en marge d’une déclaration à la presse.

A mots couverts ou plus franchement, plusieurs membres du gouvernement ont critiqué la gestion de la commune. La bourgmestre actuelle et échevine sous la législature précédente, Françoise Schepmans (MR), a évoqué le « déni » du phénomène de radicalisation d’une minorité pendant trop longtemps à Molenbeek.

Même s’il n’a pas été nommé directement, les regards se sont tournés vers Philippe Moureaux, ancien homme fort du PS bruxellois et connu pour ses diatribes contre les libéraux et la droite en général.

« C’est une manière de cacher l’échec de l’actuelle majorité et de la bourgmestre. Je ne suis plus bourgmestre depuis trois ans et, s’il y a eu des manquements ces dernières années, je n’ai rien à voir avec ça. A travers toutes ces déclarations, c’est la bourgmestre actuelle qui est accusée de n’avoir rien fait », a-t-il déclaré.

Le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), a pointé du doigt la façon dont pendant 20 ans la commune a appréhendé la ghettoïsation, la multiculturalité et l’enseignement sur son territoire.

« Ils utilisent toujours des termes vagues mais il n’y en a jamais capables d’expliquer concrètement ce qui ne va pas. C’est lamentable, c’est le politique dans son aspect le plus vil », a répondu M. Moureaux.

« Molenbeek a servi de base de départ de certains terroristes. C’est vrai mais je ne suis tenu au courant de rien depuis trois ans et je n’exerce plus de responsabilité. Sans doute, la nouvelle majorité s’est-elle coupée de la population locale. Très clairement, ce qui a évolué depuis trois ans, c’est l’apparition de Daesh et les départs vers la Syrie mais c’est une situation qui s’est produite après mon départ. Je pense que la première grave erreur qui a été commise est de n’avoir rien fait pour aider les familles à dissuader les jeunes de partir », a-t-il ajouté.

« La situation à Molenbeek doit être analysée avec nuance »

« Les facteurs qui expliquent la présence à Bruxelles, et particulièrement à Molenbeek, de jeunes radicalisés et d’anciens combattants revenus de Syrie, doivent être analysés avec nuance », estime pour sa part le politologue de la VUB Dave Sinardet.

A la suite des perquisitions menées samedi à Molenbeek en lien avec les attentats perpétrés vendredi à Paris, la commune bruxelloise est sous les feux des projecteurs, certains y voyant, comme Le Figaro, une plaque tournante des réseaux terroristes en Europe.

« La composition sociologique de Molenbeek joue un rôle: c’est une des communes les plus pauvres et les plus jeunes du pays », rappelle Dave Sinardet. « Vous avez certains quartiers qui sont devenus des ghettos où vivent de très nombreuses personnes d’origine étrangère. »

Selon M. Sinardet, les déclarations de l’ancien bourgmestre de Molenbeek Philippe Moureaux (PS) démontrent également qu’il a, à l’époque, sous-estimé le problème du vivre ensemble. Le politologue rappelle notamment le cas du déménagement d’une société de publicité se plaignant de l’insécurité dans la commune, rapidement balayé par le bourgmestre de l’époque. « Le problème du radicalisme a, semble-t-il, également été sous-estimé », ajoute Dave Sinardet. « Chaque signalement en ce sens a été perçu comme une critique de la société multiculturelle. »

« Ceci étant dit, vous devez également prendre en compte le fait que les autres partis siégeaient dans la majorité avec Philippe Moureaux, et qu’ils n’ont sans doute pas agi suffisamment à l’époque. Par ailleurs, la détection des terroristes potentiels est principalement de la responsabilité des services de sécurité et de renseignement nationaux », fait remarquer le politologue.

« La communication entre le niveau communal et fédéral n’a pas fonctionné? Cela devra être analysé, et il faudra en tirer les leçons afin de simplifier les structures », conclut Dave Sinardet.

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