Il n’y a pas d’accord avec le Soudan… mais une collaboration technique (Michel)
Il n’y a pas d’accord en tant que tel avec le Soudan pour le rapatriement des migrants soudanais interpellés à Bruxelles, sinon « la mise en place d’une collaboration technique », a expliqué le Premier ministre, Charles Michel, en réponse à une série de questions en commission de l’Intérieur de la Chambre.
Lorsque la polémique a éclaté, le chef du gouvernement se trouvait à New York pour l’assemblée générale des Nations Unies. De retour au pays, il a été soumis aux questions des parlementaires.
Une première réponse avait été donnée jeudi par le ministre de l’Intérieur en séance plénière. Il s’est exprimé « au nom de tout le gouvernement », a confirmé M. Michel qui s’est inscrit dans le même cadre.
Une grande partie des migrants interpellés au Parc Maximilien et ailleurs sont d’origine soudanaise et veulent se rendre en Grande Bretagne. Ils ne déposent pas de demande d’asile -à une exception près ce mardi- malgré l’information qui leur est fournie sur le choix qu’ils doivent poser: demande d’asile, retour volontaire ou retour forcé. Certains d’entre eux ne veulent pas collaborer à leur identification.
« Il est erroné de dire qu’ils n’introduisent pas de demande parce qu’ils ne sont pas informés », a souligné M. Michel.
Pour les rapatrier, les autorités belges ont besoin de la coopération du pays d’origine. Le secrétaire d’Etat à l’Asile, Theo Francken, a donc pris contact avec l’ambassade du Soudan et rencontré l’ambassadeur à deux reprises. Les deux hommes ont convenu de l’envoi d’une mission d’identification, annoncée par M. Francken et reçue par lui devant les caméras de télévision.
Ces contacts s’inscrivent dans le cadre du processus de Khartoum initié par l’Union européenne en 2014 et qui s’est concrétisé par la réunion de La Valette à laquelle participait le ministre soudanais des Affaires étrangères. D’autres Etats européens ont pris des initiatives similaires à la Belgique: la France, qui a renvoyé 200 personnes vers le Soudan entre 2014 et 2016, l’Italie, la Norvège, l’Irlande, etc.
« Je voudrais mettre les points sur les i: les relations entre la Belgique et le Soudan se limitent au strict minimum diplomatique. Nous nous inscrivons dans ce que font l’Union européenne et les autres Etats membres, ni plus, ni moins », a ajouté M. Michel.
Les membres de la mission soudanaise sont des fonctionnaires du ministère soudanais de l’Intérieur, dûment « screenés » par les Affaires étrangères et la Sûreté de l’Etat, a affirmé le Premier ministre, contredit par le député Benoît Hellings (Ecolo) selon qui trois des cinq délégués sont des membres de la police secrète. Toute rencontre avec les migrants en centre fermé a lieu sous le contrôle d’un fonctionnaire de l’Office des étrangers. Les migrants peuvent en outre refuser de rencontrer les officiels soudanais. Si une expulsion devait être décidée, l’étranger peut encore solliciter en extrême urgence une protection internationale. La Belgique applique par ailleurs le principe de non-refoulement d’une personne qui risquerait d’être soumise à des mauvais traitements à son retour.
Face à la polémique, le premier ministre a appelé à la sérénité et à ne pas « salir l’image de la Belgique ». Une affirmation qui a fait bondir l’opposition: M. Francken s’est fait une spécialité de la communication fracassante sur les réseaux sociaux, a-t-elle rappelé. « S’il y en a bien un qui a joué avec le feu, qui provoque sans cesse, c’est Theo Francken. Et c’est nous qui salirions l’image de la Belgique… Allez, il faut rester sérieux », a lancé Raoul Hedebouw (PTB) rejoint par Julie Fernandez-Fernandez (PS): « Le gouvernement récolte ce qu’il a semé ».
L’argumentaire de M. Michel n’a pas convaincu tous les députés: « Votre gouvernement trafique avec une dictature. C’est indigne d’une démocratie et d’un candidat au Conseil de sécurité des Nations Unies », a accusé M. Hellings.
« Vous avez conclu un accord avec le Soudan comme si c’était n’importe quel pays », a regretté Catherine Fonck (cdH) qui a dit son incompréhension devant l’absence de délibération du conseil des ministres alors même que l’accord européen implique de prévoir des garanties.