© Image Globe / Philippe Bourguet

 » Il est sain que la Flandre sache que Wallons et Bruxellois ont la capacité de s’assumer »

Le FDF s’offre un nouveau toit. Ce samedi, son président maniera la truelle pour poser officiellement la première pierre de l’implantation du parti en Wallonie. Que cela lui plaise ou non, le MR devra s’y faire. Olivier Maingain voit plus loin : il y va de l’union sacrée Wallonie-Bruxelles. Entretien.

Le Vif/L’Express : Première assemblée générale du FDF dans sa version wallonne, ce samedi à Namur. Le moment est historique ?

Olivier Maingain : Oui. Le FDF a toujours eu des membres en Wallonie, mais jamais de manière structurée.

Le FDF en Wallonie, combien de divisions ?

Nous comptons cinq fédérations provinciales et des sections locales qui naissent aux quatre coins de la Wallonie : le Brabant wallon est pratiquement couvert, le Luxembourg compte une bonne demi-douzaine de sections. Nous ambitionnons vingt à trente implantations en Hainaut d’ici à la fin de l’année… Nous avons dépassé le cap du millier de membres en Wallonie. Nous visons les 3 000 adhérents pour la fin 2011.

Qu’est-ce qui a joué, la loi de l’offre ou de la demande ?

Il y avait une forte attente. Un appel spontané qui nous était lancé : « Quand enfin le FDF viendra-t-il en Wallonie ? » Il n’y avait pas de raison de ne pas y aller.

Sauf le souci de ne pas contrarier votre « maison mère », le MR. Singulièrement les libéraux wallons, pas ravis…

Le statut du MR prévoit explicitement la présence des composantes du MR sur l’ensemble de l’espace Wallonie-Bruxelles. Je pourrais ressortir des accords historiques signés avec Daniel Ducarme [NDLR : ancien président du MR décédé en 2010] qui prévoient même la possibilité pour le FDF de présenter des candidats en Wallonie aux élections régionales et législatives.

Vous comptez en faire bon usage ?

Ce pourrait être tout à fait légitime. Mais nous le ferons de manière prudente et respectueuse des équilibres internes. Si, grâce à notre présence en Wallonie, nous pouvons conforter ou renforcer le MR, va-t-on nous le reprocher ? Mais notre priorité, c’est la préparation du FDF aux élections communales de 2012 en Wallonie.

En solo ou sous la bannière MR ?

Cela se fera en concertation étroite avec le MR. Priorité à l’entente avec les libéraux locaux, en espérant que les ouvertures se feront de manière réaliste. On verra au cas par cas la possibilité de voir des candidats FDF sur des listes de rassemblement. Nous veillerons à éviter le recyclage politique de gens qui cherchent une écurie pour se faire valoir.

Donc ce samedi, la direction du MR sera aussi à la fête pour saluer la naissance officielle du FDF wallon ?

Nous avons souhaité que cela se fasse en interne dans un premier temps. Nous ne voulons pas en faire une démarche de rivalités internes. Quand les libéraux wallons se réunissent, je ne demande pas à être invité.

Charles Michel, président du MR, n’a donc pas reçu de carton d’invitation ?

Seuls sont invités les représentants des fédérations et des sections du FDF en Wallonie. Mais vous savez, ce qui se passe ce samedi relève du fonctionnement interne des composantes du MR. Il n’y a là rien que de très banal. De la routine…

Qui le FDF pourrait-il faire trembler en Wallonie ? Il est prématuré de le dire. Nous avons des adhérents qui viennent du PS. Pas mal du CDH, pour l’instant : c’est peut-être lié à la méforme du parti, ou à son discours pas toujours univoque sur les enjeux institutionnels…

Où faut-il chercher le véritable but de cette manoeuvre de redéploiement en terre wallonne ? Asseoir l’unité inébranlable entre Bruxelles et la Wallonie. A nos yeux, la Fédération Wallonie-Bruxelles est une relation privilégiée. Bruxelles et la Wallonie, ensemble, peuvent faire jeu égal avec la Flandre sur le plan économique. Le FDF en Wallonie, c’est aussi ce message aux francophones : n’ayons pas peur d’assumer notre avenir au départ des forces propres à la Wallonie et à Bruxelles. Il faut sortir de la dépendance politique et psychologique qu’entretient un certain milieu belgicain, et qui revient à mettre les francophones en situation de soumission. Nous serions coupables du blocage institutionnel ? Nous aurions suscité le nationalisme flamand dans ses excès ? Allons donc ! Le nationalisme flamand existe dans ses excès en raison d’une tradition, tantôt très peu démocratique à certaines périodes de l’Histoire, tantôt très peu respectueuse des droits des francophones. Ce discours culpabilisant sur les francophones, cela commence à bien faire ! Cessons donc de créer une dépendance à l’égard de la Flandre, cette région si mirobolante que la terre nous envie… Cessons de créer une dépendance à l’égard d’un système de gestion publique au sud du pays, qui a handicapé son dynamisme économique.

Le MR vous suit dans ce vibrant plaidoyer ?

S’il veut retrouver l’esprit de la dynamique qui a conduit à sa fondation, il doit en revenir à la vision de Jean Gol [NDLR : ex-président du PRL, décédé en 1995]. Reprendre la volonté politique qui sous-tendait son projet de nation francophone. On va vers des ruptures inéluctables. Wallons et Bruxellois doivent se préparer à ce choc.

Et la Flandre dans tout ça ?

Je lui dis : « Non seulement, vous n’aurez pas Bruxelles mais puisque vous nous menacez, nous travaillerons de manière encore plus étroite avec ceux qui, eux au moins, respectent les Bruxellois : les Wallons. »

Voilà qui ne risque pas d’aider à sortir d’un an d’impasse politique…

Il est sain que la Flandre politique sache que Wallons et Bruxellois ont la capacité de s’assumer. Je partage l’analyse de Philippe Moureaux : mieux vaut l’immobilisme que d’entrer dans un boyau d’où les francophones ne sortiraient qu’amoindris, voire anéantis.

Longue vie aux affaires courantes ?

Faut-il s’en émouvoir ? Aux juristes à en débattre sur le plan des principes. Mais, sur le plan de nos intérêts, il faudra peut-être s’en satisfaire. La priorité reste un gouvernement socio-économique. Mais la clé est au CD&V et à sa jeune génération qui a choisi de coller à la N-VA. Donc de tourner le dos à la Belgique.

Vous y rangez aussi Yves Leterme, Premier ministre mais CD&V ? Quand Yves Leterme a dit un jour que la Belgique ne représentait plus une plus-value, ce n’était pas un de ces propos mal maîtrisés dont on le croit coutumier. C’était le cri du subconscient. A lui de choisir.

« Bye-bye N-VA » : c’est le signal fort à attendre du Premier ministre fédéral Yves Leterme ? Certainement. Face à une telle situation, un Guy Verhofstadt [NDLR : ex- Premier ministre Open VLD] aurait sans doute depuis longtemps déjà pris ses responsabilités : parce qu’il comprenait qu’un Premier ministre en Belgique a une obligation supérieure, qui est d’assurer une cohérence à l’ensemble. Moins Yves Leterme y répondra, moins il sera en mesure de faire un choix décisif dont il aura les honneurs.

Ce lundi 2 mai, c’est devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU que la Belgique fera rapport. Non sans évacuer tous les sujets qui fâchent : ratification de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, Wooncode, non-nomination des bourgmestres de la périphérie…

Vieille tradition hypocrite de la diplomatie CVP : « Circulez, y a rien à voir. La Belgique est parfaite sous tous rapports en matière de droits de l’homme. » Illustration aussi d’un gouvernement fédéral où ce que font les ministres flamands échappent à toute forme de respect des engagements pris au sein de ce même gouvernement. Flamandisation de l’armée par Pieter De Crem (CD&V), politique aéroportuaire d’Etienne Schouppe (CD&V) avec sa gestion des survols : tout cela est mené au mépris des décisions du Conseil des ministres.

Parce que les ministres francophones le veulent bien. Y compris au MR…

Disons qu’ils auraient pu faire preuve d’un peu plus de vigilance. Mais Olivier Chastel (MR) fait du travail très utile pour alerter ses correspondants en tant que ministre des Affaires européennes. Et comptez sur nous pour informer complètement les instances internationales.

ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX

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