Thierry Fiorilli

Ici, l’après-Syrie a commencé

Thierry Fiorilli Journaliste

Personne ne sait quand finira la guerre civile en Syrie. Mais l’après-conflit a déjà commencé en Belgique.

A partir d’une question toute de bon sens : que faire de ces (200 actuellement ?) jeunes Belges à leur retour du front ? Ou comment éviter qu’ils constituent une menace ici ? Démarche logique : d’une part, 5 à 10 % de tous ceux qui, entre 1990 et 2000, sont partis combattre, depuis partout dans le monde, sur des théâtres de guerre extérieurs ont ensuite commis des actes terroristes dans leur pays d’origine ; d’autre part, beaucoup de recrues belges parties gonfler les rangs de la rébellion anti-Assad auraient des antécédents judiciaires et/ou un parcours familial difficile. Bref, leur retour à « la vie civile » en Belgique, leur « réinsertion » dans la société belge nourrit des inquiétudes légitimes.

Et donc, si officiellement tout est mis en oeuvre, aux niveaux fédéral, régional, communal et presque micro-local, en Belgique, pour prévenir « la radicalisation » des jeunes et éviter que d’autres rallient la Syrie, on s’active tout autant en coulisses pour préparer « la déradicalisation » de ceux qui en reviendront vivants. Concrètement, il s’agit de les soumettre à des contre-discours, à une sorte de lavage de cerveau, qu’ils aient pris les armes par conviction djihadiste, par idéalisme, parce qu’ils s’estimaient ici victimes d’injustices, parce que, en décrochage de tout, ils étaient des proies faciles pour les recruteurs ou parce qu’ils voulaient impressionner le quartier.

Reste que ce sas de « décontamination » n’est ni l’unique solution, ni la plus concluante (20 % des anciens détenus de Guantanamo, passés et repassés entre les mains des experts en réintégration, ont replongé dans le terrorisme, selon les Américains). Le travail de renseignement est indispensable. Et plus que jamais en cours. Le renseignement sur le radicalisme religieux comme celui sur le radicalisme politique. C’est celui-ci qui semble le plus redoutable. Parce qu’il permet d’instrumentaliser la religion. Et donc de lever des armées de combattants épars, sortis de partout et nulle part.

Or, prétend notamment Jean-Yves Camus, spécialiste des nationalismes et des extrémismes en Europe, on constate que « le parcours du militant a changé. Auparavant, un individu entrait dans une organisation militante ; il se radicalisait progressivement, puis entrait éventuellement en contact avec un groupe prônant la lutte armée ; enfin, quelques personnes franchissaient le pas de la violence terroriste. Aujourd’hui, certains « sautent des étapes » et passent plus vite à l’action armée. Les activistes se radicalisent plus rapidement, notamment via Internet ; ils sont donc moins repérables par les services de sécurité. Bien sûr, le profil type du militant est souvent celui d’un jeune déscolarisé, au chômage. Mais le contexte social ne permet pas à lui seul de comprendre ces dérives. Le choix de [certains] de se désocialiser n’aurait pu être celui d’individus dépourvus d’idéologie. »

Son discours porte sur le terrorisme néo-nazi. Il semble valable pour le « terrorisme islamique ». De quoi intensifier les programmes de « déradicalisation ». En amont comme en aval.

THIERRY FIORILLI

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