Pour le SPF Economie, le cash ne peut pas être banni. © Jonas Gilles/Reporters

Horodateurs bruxellois hors la loi

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les distributeurs de billets de stationnement exclusivement alimentés par carte de banque constituent une pratique commerciale déloyale, estime le SPF Economie.

Les 850 horodateurs dits intelligents installés sur le territoire de Bruxelles-Ville sont-ils conformes à la réglementation européenne ? Pour le SPF Economie, la réponse est clairement non. Car ces appareils, qui n’acceptent plus les pièces de monnaie, ni les billets, contraignent les automobilistes à payer leur ticket de stationnement par carte bancaire exclusivement.

Or la réglementation européenne prévoit que le bénéficiaire d’une obligation de paiement ne peut refuser les billets de banque et pièces en euros, sauf si les parties sont convenues d’un autre mode de paiement, ce qui n’est pas le cas dans ce dossier. « L’acceptation de billets de banque et pièces en euros comme moyen de paiement devrait être la règle dans les transactions de détail. Un refus ne devrait être possible que s’il est fondé sur des raisons liées au « principe de bonne foi » (si le commerçant ne dispose pas des espèces suffisantes pour rendre la monnaie, par exemple) », peut-on lire dans la législation européenne.

L’impossibilité du paiement en espèces des billets de stationnement, qui avait été épinglée par l’opposition politique bruxelloise, avait été balayée d’un revers de main par l’échevine libérale en charge de la politique de stationnement, Marion Lemesre (MR). « La suppression du cash diminue le risque de vandalisme », a-t-elle justifié à la fin de 2015. Des faits de vandalisme avérés : rien que pour l’année 2014, les réparations des machines endommagées avaient coûté 55 000 euros à prélever sur le budget de la ville.

« Tant que le principe selon lequel l’argent en espèces constitue le moyen de paiement légal, il faut prévoir la possibilité pour les consommateurs de payer en cash d’une manière relativement facile, martèle le SPF Economie. En se parquant dans l’espace public, le citoyen n’a en outre aucun autre choix de moyen de paiement que celui qui lui est imposé par l’horodateur, ce qui représente un argument de plus pour continuer à garantir la possibilité de payer en cash. » Rien ne permet donc de conclure, en fonction du cadre juridique existant, que cette obligation de permettre le paiement en cash puisse être outrepassée.

A l’administration de la Ville de Bruxelles, les juristes assurent que le choix de la fin du paiement en cash a été largement étudié, que la réglementation européenne impose bien l’euro comme moyen de paiement légal, mais pas l’euro en espèces, et qu’aucune plainte n’a d’ailleurs été déposée.

A Anvers, où des horodateurs intelligents ont également été installés, l’Inspection économique a pourtant été saisie du problème. Pour se conformer à l’esprit de la réglementation européenne, les autorités communales anversoises ont dès lors prévu de laisser dans chaque rue un appareil acceptant les paiements en cash, en plus des horodateurs exclusivement à cartes bancaires.

La loi belge ne prévoit pas de sanction spécifique pour ce type d’infraction puisque la règle n’y est pas inscrite mais découle d’une recommandation européenne. Au SPF Economie, on n’en considère pas moins qu’il s’agit d’une pratique commerciale déloyale, qui peut faire l’objet d’une amende de maximum 60 000 euros. De quoi donner des idées aux automobilistes qui voudraient contester le mode de paiement qui leur est imposé, voire l’un ou l’autre PV.

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