Gérald Papy

Hollande ou l’autodestruction de la gauche

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne […], c’est le monde de la finance. » Qui aurait pu imaginer qu’un peu plus d’un an à peine après le mâle discours du meeting du Bourget, fondateur de sa victoire à l’élection de mai 2012, François Hollande verrait son prestige de président anéanti par un des siens, séduit par les sirènes de l’argent-roi ? Le véritable ennemi avait donc un nom, un visage et un parti. Pis, il était investi du rôle de pourfendeur de cette fraude fiscale qu’il pratiquait lui-même. Cette trahison, conjuguée au mensonge public, situe l’ampleur du traumatisme que l’affaire Cahuzac a provoqué au sein de la gauche hexagonale et, au-delà, pour l’image de la France.

Le séisme est d’autant plus profond et inattendu que le locataire de l’Elysée, chantre autoproclamé d’une République exemplaire, avait donné les premiers gages d’une présidence débarrassée de ses mauvaises habitudes d’immixtion dans le travail des juges et des journalistes. Bonnes intentions brandies aujourd’hui comme stratégie de défense par les responsables socialistes mais aussitôt balayées, tant fait rage la tempête, encore alourdie par les révélations – avant d’autres ? – du Offshore Leaks sur les investissements aux îles Caïmans de Jean-Jacques Augier, le trésorier de la campagne du candidat socialiste.

François Hollande paye un lourd tribut à cette « gauche caviar » façon DSK qui bafoue ses idéaux socialistes dans les hôtels de New York ou les palaces helvétiques. Pour autant, sa responsabilité est aussi clairement engagée parce qu’il n’a pas été assez vigilant au moment de la nomination de Jérôme Cahuzac et pas assez exigeant quand l’affaire a éclaté. L’effet est d’autant plus dévastateur que l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste était déjà raillé pour sa présumée incapacité pathologique à décider et que, faute de la croissance économique espérée, il ne peut même pas se prévaloir de résultats probants sur un autre front crucial.

A l’aune de ce gâchis, il est illusoire d’imaginer que les mesures d’urgence que le gouvernement Ayrault devait annoncer en milieu de semaine (déclaration de patrimoine pour tous les élus, sanctions en cas de manquements, création d’un Haute autorité de déontologie, lutte renforcée contre la fraude fiscale…) puissent relancer la « machine Hollande ». C’est d’un autre électrochoc dont a besoin la France. Or les interventions récentes du président socialiste (lors de l’entretien sur France 2 avant la mise en examen de Jérôme Cahuzac et dans sa courte intervention juste après) n’ont pas démontré, loin s’en faut, qu’il en avait l’envergure.

Référendum sur la moralisation de la vie politique, auditions des candidats ministres, réforme du système électoral pour assurer une meilleure représentation politique et un contrôle parlementaire renforcé… : au-delà de l’inévitable remaniement gouvernemental, les pistes existent pour raviver la démocratie française et, accessoirement, la présidence Hollande. Mais rien ne garantit que « Monsieur Faible » aura le courage de les emporter dans sa désormais célèbre et pathétique « boîte à outils ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire