Olivier Mouton

Heureusement que les citoyens sont là

Olivier Mouton Journaliste

Les rats envoyés à Donald Trump font davantage pour redorer l’image de la Belgique que les conflits consternants de notre classe politique. Et si l’on cessait cette entreprise d’autodestruction ?

Franchement, il y a des jours – pas tous, malheureusement… – où les réseaux sociaux nous réconcilient avec l’âme humaine. Après que Donald Trump, candidat républicain à la présidentielle américaine ait qualifié Bruxelles de « trou à rats » (ou quelque chose du genre : « hellhole »), les internautes ont réagi avec le même humour immédiat que lorsqu’ils ont sorti les chats au moment où Bruxelles était sous menace kat (quatre).

Et cela faisait du bien.

Oui, Bruxelles a de beaux quartiers, des atmosphères dignes d’être visitées et habitées : les images ont déferlé devant le monde entier. C’est cette réplique qui a fleuri en premier lieu, le sentiment de fierté d’une « Vieille ville » attachée à son patrimoine et à son art de vivre. S’en sont suivis des images détournées, des blagues de potache : un Atomium aux têtes de rats, des hamsters armés jusqu’aux dents ou encore un rat rugissant comme le lion de la Metro Goldwyn Meyer. Slogan subtil : « Un homme sage remplit d’abord son cerveau avant de vider sa bouche… »

Ce rire a soudain exhorté le sentiment de dégout qui risquait de poindre. Notre autodérision avait déjà stupéfait les Français lors des perquisitions à Molenbeek, voilà qu’elle décontenance les Américains. Dans le dossier du Vif de cette semaine consacré aux recettes pour revaloriser notre image, cette capacité à se moquer de nous-mêmes apparaît déjà comme un antidote de qualité.

À vrai dire, tant cette sagesse de l’homme sage que la faculté de se détacher de notre ego, on ferait bien de les enseigner à notre classe politique. A peine a-t-elle appelé à la mobilisation générale pour redorer l’image du pays, voilà qu’elle nous gratifie une nouvelle fois d’un de ces conflits stériles dont elle a le secret depuis les élections du 25 mai 2014.

Michel et Vervoort ne partiront pas ensemble en vacances, mais le moins que l’on puisse attendre, c’est qu’ils conjuguent leurs énergies au service de Bruxelles

Que l’on ne nous fasse pas dire ce que l’on ne dit pas : oui, il est sain d’avoir des projets politiques différentes, de les confronter et de proposer de vrais choix aux électeurs. Mais ici, on parle d’autre chose, de la capacité à gérer ensemble, tous niveaux de pouvoir confondus, le chaos de la mobilité, aggravé par la fermeture de tunnels bruxellois. Cela endommage réellement notre image : Bruxelles et Anvers sont régulièrement classées en tête du hit-parade des villes les plus embouteillées.

Le Comité de concertation organisé mercredi a une nouvelle fois tourné au pugilat, cette fois entre le gouvernement fédéral et son homologue bruxellois, comme ce fut le cas il y a huit mois de cela sur le budget entre le fédéral et le wallon. Le Premier ministre Charles Michel et le ministre-président Rudi Vervoort ne partiront pas ensemble en vacances, c’est une évidence, mais le moins que l’on puisse attendre, c’est qu’ils conjuguent leurs énergies au service de la capitale de l’Europe. Non, comme toujours, il y a des ressentiments (qui est responsable des incuries du passé ?), des craintes ou des fantasmes (la cogestion de la Région, la N-VA…). Consternant.

À vrai dire, les citoyens n’ont pas à être les otages des querelles opposant des majorités antagonistes et encore moins les touristes ou les voyageurs d’affaires. Le « fédéralisme de tension », si bien décrit par le constitutionnaliste Hugues Dumont, n’en arrivera qu’à démontrer la nécessité d’une septième réforme de l’Etat. Que l’on ne s’y trompe pas : la mobilité est un test majeur de la nouvelle Belgique.

En attendant que cesse ce petit jeu stérile, ne diffuserait-on pas des images de petites voitures Matchbox sur les réseaux sociaux ? Oui, oui, de petits trains, aussi. C’est d’une politique globale de mobilité dont nous avons besoin.

Faisons en sorte que si Donald Trump vienne un jour chez nous, il ne nous compara pas à un cloaque immobile.

Olivier Rat

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