Herman Van Rompuy

Herman Van Rompuy : le mauvais été de l’Union européenne

Herman Van Rompuy Herman Van Rompuy est l'ancien président du conseil européen.

« Les états membres de l’Union européenne ont passé un mauvais été. La Grèce et l’immigration ont dominé l’agenda, laissant un goût amer dans la bouche. Si la crise grecque s’est « bien terminée » parce qu’on a évité un grexit, l’immigration reste une plaie ouverte » écrit l’ancien président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Objectivement, la crise qui a frappé la zone euro entre 2010 et 2013 était beaucoup plus grave que la crise actuelle. À ce moment-là, c’était en effet la monnaie elle-même qui risquait de sauter, ce qui aurait entraîné une dépression et non une récession et aurait touché le projet européen en plein coeur. Cette fois, il s’agissait de la Grèce et uniquement de la Grèce. A présent, la zone euro est suffisamment solide pour ne pas être contaminée par les problèmes d’un pays. Dans une certaine mesure, la Grèce est un cas unique à partir duquel on ne peut pas tirer de conclusions pour l’union monétaire globale, comme le fait une certaine opinion anglo-saxonne.

Pourtant, cette crise a été ressentie plus durement. Les défenseurs du grexit n’ont pas eu ce qu’ils voulaient, mais les opposants aux réformes et aux économies aussi ont fait chou blanc. Si en apparence il s’agit d’un bon compromis, le sentiment du gagnant gagnant est loin. On a plutôt l’impression d’un lose lose. Quoi qu’il en soit, pour l’État hellénique, c’est la dernière chance. La crise a duré trop longtemps. Les reproches mutuels ont fait mal. Le ministre des Finances grec a été incroyablement léger avec l’avenir des Grecs. Après quelques réunions, il est apparu qu’on n’aurait jamais d’accord avec cet homme. Le dos au mur, le gouvernement grec n’a pu que se mouvoir au bord du gouffre.

La gauche radicale et ses sympathisants devraient savoir qu’il n’y a pratiquement pas d’alternative à une politique de redressement. Les supporters de Tsipras se sont tus quand il a franchi un dernier pas courageux pour éviter le gouffre. Ce que la Grèce a fait jusqu’au mois de juillet, j’appelle ça du « suicide ». Tout bon sens semblait disparu. Pourtant, la raison a triomphé. Les Grecs paient cher le prix de toutes ces hésitations : les économies à réaliser seront nettement plus dures. Le programme d’aide coûte beaucoup plus cher aux créanciers. La confiance dans le projet européen en a également pâti. Mais on a évité une catastrophe.

Le raz-de-marée de migrants n’est pas de la faute de l’Union. On a tendance à l’oublier. C’est la conséquence de guerres dans un certain nombre de pays. Nos voisins du sud se débattent dans les suites du printemps arabe. En Syrie, tout a commencé par des manifestations citoyennes pacifiques. L’instabilité y a été alimentée par une lutte entre les écoles séculières au sein de l’islam, à l’instar de celle que nous connaissions en Europe avant les traités de Westphalie en 1648. L’Union européenne subit les conséquences sous forme de terrorisme sur notre territoire et d’un raz-marée de réfugiés.

Depuis 25 ans, le climat général en Europe, nourri par le noyau dur de l’extrémisme de droite et du populisme, est mal disposé envers les migrants. Tant que la guerre se poursuivra au Proche-Orient, les migrants continueront à venir, même au péril de leur vie. C’est pourquoi il est révoltant que jusqu’à présent la Russie fasse obstacle à une solution pour la Syrie. Si la guerre prend fin en Syrie, la source principale de migration désespérée pourra diminuer. Tant qu’on ne vaincra pas l’EI en Irak, les troubles se poursuivront.

Espérons que l’accord nucléaire de l’Iran avec tous les grands pays marque le début d’une solution. Tous les musulmans ont intérêt à la lutte contre la barbarie. Entre-temps, les pays de l’UE doivent prouver qu’ils peuvent travailler ensemble sur le plan humanitaire. La tragédie humaine les y oblige. J’ai lu que les dirigeants de l’Union se réunissaient plusieurs fois par semaine quand il s’agit d’argent, mais pas quand il s’agit d’humains. C’est un jugement un peu hâtif, mais assez vrai.

La vie des nations, comme celle de l’Union, est un enchaînement de problèmes

La vie de nations, comme celle de l’Union, est un enchaînement de problèmes. Mais étrangement, les problèmes européens incitent certains à poser la question existentielle : pourquoi une union ? Les problèmes nationaux n’entraînent pratiquement jamais de discussion sur l’état. À moins qu’il s’agisse d’argent…

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