Guy Verhofstadt © BELGAIMAGE

Guy Verhofstadt: « Si on ne fait rien, l’Europe peut mourir »

Le Vif

L’ancien premier ministre, Guy Verhofstadt (Open VLD), reste fidèle à son idéal européen, même s’il a du mal à trouver preneur pour son modèle. Entretien avec nos confrères du Zondag.

Votre dernier livre s’intitule « Le mal européen » (NDLR : le livre paraîtra en français le 31 mars 2016). La crise des réfugiés ne prouve-t-elle pas que l’Union européenne se trouve en soins palliatifs ?

(soupire). Je ne crois pas. En absence d’intervention drastique, l’Europe peut mourir, oui. Mais les patients en soins palliatifs ne guérissent pas. On n’en est pas là. Les structures politiques de l’Europe ne fonctionnent pas. C’est clair. Nous sommes incapables de gérer une crise rapidement et efficacement, mais j’ai la recette. Le seul problème, c’est que les états membres se cramponnent à leur souveraineté.

La N-VA blâme Angela Merkel d’avoir provoqué le flux de réfugiés. À juste titre ?

C’est absurde. Merkel souhaite résoudre une crise humanitaire. Faut-il l’attaquer pour ça? Eh bien, ce n’est pas ma méthode. Le vrai problème, c’est qu’on ne gère pas l’espace Schengen ensemble. Il faut d’urgence un corps de garde côtiers et frontaliers européen ainsi qu’une politique d’asile européenne pour gérer cette crise des réfugiés. La Grèce, et l’Italie dans une moindre mesure, ne maîtrisent pas leurs frontières, n’inscrivent pas les gens qui entrent et ne font pas de distinction entre les réfugiés et les migrants économiques. C’est inadmissible.

Si vous étiez premier ministre, vous auriez également déclaré « wir schaffen das » ?

(sourit) Je ne parle pas allemand. Non, sérieusement, je pense que Merkel a agi correctement. Quand on voit des gens affamés, des femmes, des enfants se faufiler sous les barbelés, on veut les aider. Moralement, elle a bien agi et j’aurais fait de même, oui. Seulement, j’aurais aussi proposé une garde côtière et frontalière. C’est là son erreur, de ne pas avoir poursuivi cette idée.

Mais vous trouvez aussi que nous sommes capables de gérer cet afflux massif de réfugiés?

Oui, nous en sommes capables. (soupire) Et cet afflux est-il massif ? Il s’agit d’un peu plus d’un million de personnes sur une population totale européenne de plus de cinq cents millions d’habitants. Mais aujourd’hui, celui-ci n’est pas organisé et on n’y arrive pas. Tous les réfugiés choisissent les mêmes pays. Il faut les répartir. Un corps de gardes-frontières européen pourrait dire: toi là-bas et toi là-bas. Une fois qu’ils seront reconnus, ils pourront évidemment choisir leur destination. Mais que font les états membres aujourd’hui ? Ils instaurent des contrôles aux frontières. C’est ainsi qu’on détruit Schengen. Et puis-je encore ajouter quelque chose? En plus de l’instauration de ces corps de gardes-frontières et de garde-côtes, il faut investir dans les camps de réfugiés dans les pays voisins pour éviter qu’ils soient obligés de venir ici. Aujourd’hui, les gens là-bas perçoivent à peine sept dollars par mois. Il faut multiplier ce montant au moins par dix.

Où prenez-vous cet argent?

(vivement) Nous avons cet argent. Pourquoi devons-nous donner trois milliards au président turc Erdogan ? Utilisez au moins deux milliards d’euros pour un soutien direct à ces gens et investissez un milliard en infrastructure.

En Belgique, le débat sur la Convention de Genève fait rage. Faut-il l’adapter?

Mais non. Cette Convention dit qu’il faut aider les gens en danger. C’est le seul héritage positif de la Seconde Guerre mondiale. Allons-nous nous débarrasser du minimum d’humanité ? Ceux qui remettent cette convention en question disent : je ne veux pas aider les gens en péril.

Paul Cobbaert

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