Gérald Papy

Guerre et jeux vidéo

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Quelle idée nous faisons-nous de la guerre ? L’agitation qui a suivi la diffusion de la photo d’un soldat français au Mali affublé d’un foulard en tête de mort singeant un héros de jeu vidéo interroge notre rapport à la guerre. Et, au-delà, notre perception des islamistes armés.

L’opération militaire française au Mali répond jusqu’à présent aux attentes de Paris. Le président François Hollande espérait une reprise rapide des importantes villes de Gao et de Tombouctou. C’est chose faite. Les pertes humaines françaises sont extrêmement limitées parce que leurs ennemis ont préféré la retraite tactique à la confrontation directe. Et en l’absence d’images dérangeantes du conflit, le soutien populaire dans l’Hexagone ne faiblit pas. Pour autant, qui peut raisonnablement imaginer que le Mali soit devenu le laboratoire d’une « guerre zéro mort » ? Que les bombardements de l’aviation n’aient pas affaibli, voire décimé, des groupes de djihadistes, et, peut-être, entraîné ce que l’on range pudiquement sous l’étiquette des « dommages collatéraux » ? Qui peut donc imaginer que les soldats engagés sur le front dans une épreuve entre la vie et la mort ne soient pas animés d’un esprit guerrier ?
La guerre n’est jamais une partie de plaisir, fût-elle considérée comme « nécessaire » ou « juste ». Encore faut-il, en l’occurrence, distinguer les morts au combat, inévitables mais dont il faut s’efforcer de réduire le nombre, et les victimes d’exactions en dehors de tout affrontement. Même s’il est imputable à des soldats maliens, ce phénomène que l’on aurait pu prévenir et que l’on devrait éviter, c’est la France qui en sera tenue in fine responsable. L’enjeu est crucial. Car passée la phase militaire qui, au vu du déséquilibre des forces, ne peut se solder que par un succès, la France, à n’en pas douter triomphante, sera loin d’avoir « gagné la paix ». Or, de l’Irak à la Libye en passant par l’Afghanistan, les dirigeants qui ont engagé des conflits ces dernières années ont tous péché par désinvolture dans la gestion de l’après-guerre. Le volet « reconstruction et rétablissement de l’Etat de droit » est pourtant la clé de la réussite d’une opération étrangère. La meilleure preuve en est que le problème malien n’est jamais que l’avatar de la guerre inachevée en Libye, dont les arsenaux ont été éparpillés dans les mains des djihadistes du Sahel. Et qu’à ce titre, François Hollande doit à… Nicolas Sarkozy de pouvoir forger sa nouvelle image de président « chef de guerre ». Aujourd’hui, l’impunité apparente dont bénéficient les militaires maliens dans la répression de Touareg jugés, en tant qu’alliés des djihadistes, responsables de tous les maux du pays, fait craindre que la France socialiste et ses soutiens, dont la Belgique, tombent dans les mêmes travers. Pour que la guerre ne se résume pas à un jeu vidéo, il est donc impératif que le Mali, fort de ses composantes réconciliées, puisse se prémunir, demain, d’une nouvelle déstabilisation islamiste. Dans l’intérêt des Maliens et dans le nôtre. Tant il est vain de s’indigner des violences effroyables d’un Mohamed Merah si ce n’est pas pour empêcher leur répétition à partir de terrains d’entraînement érigés sous nos yeux dans une indifférence coupable.

GÉRALD PAPY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire