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Greenpeace dénonce l’exportation de « bois teinté de sang » vers la Belgique

Des cargaisons de bois d’Amazonie ont été exportées dans plusieurs pays par une entreprise brésilienne accusée d’être impliquée dans le massacre de neuf paysans le 19 avril, selon un rapport de Greenpeace. L’organisation épingle également des entreprises importatrices en Belgique.

« Aux personnes à travers le monde qui achètent du bois (de ces entreprises brésiliennes incriminées), écoutez-moi bien: cela va vous coûter le prix du sang de quelqu’un. Peut-être le mien, celui de mes camarades ou de mes amis déjà partis. Nous ne voulons pas mourir pour défendre la forêt », a déclaré Iselda Pereira Ramos, une agricultrice de l’état de Rondonia (ouest du pays), présente pour dénoncer la situation. Pour l’ONG, l’achat de « bois teinté de sang » par des pays comme la France et les États-Unis illustre le manque de régulation qui permet l’impunité des responsables de la déforestation du « poumon de la planète ».

Massacres

Selon Romulo Batista, spécialiste de l’Amazonie au sein de Greenpeace Brésil, en 2016, 61 meurtres ont été commis au nom de conflits terriens ou en lien avec la protection forestière dans le pays, dont les trois quarts en Amazonie, un record déjà battu en septembre de cette année. Dans son rapport, Greenpeace cite un grand nombre d’exportations en provenance de la compagnie Madeireira Cedroarana dans les mois qui ont suivi le massacre.

Les autorités brésiliennes accusent le propriétaire de cette entreprise, Valdelir Joao de Souza, d’avoir envoyé un escadron de la mort surnommé « les encagoulés » attaquer de petits paysans occupant des terres riches en bois qu’il convoitait, dans l’État du Mato Grosso (Centre-Ouest). Les victimes ont été torturées puis tuées par balles ou à l’aide de machettes. Le chef d’entreprise est en cavale, mais « ses exportations de bois continuent sans entrave, comme Greenpeace l’a constaté sur le terrain en juillet 2017 », affirme le rapport.

L’ONG a indiqué que des compagnies de France, des États-Unis et des Pays-Bas étaient les principaux importateurs du bois de Madeireira Cedroarana l’an dernier. D’autres clients ont été localisés en Belgique, au Canada, en Allemagne, en Italie et au Japon.

Laxisme du gouvernement belge ?

En Belgique, l’organisation de défense de l’environnement épingle particulièrement deux entreprises importatrices de bois illégal: les sociétés Vandecasteele et Vogel. Greenpeace Belgique pointe ainsi la « froideur » de la première « face aux meurtres et coupes illégales » et les « mauvaises conclusions » tirées par la seconde, pourtant désireuse « d’éviter tout risque ».

Elle met également en cause le laxisme de la ministre de l’Environnement et du Développement durable, Marie-Christine Marghem. « La Belgique ne fait pas assez de contrôles. Depuis sa nomination et avant de se faire taper sur les doigts par la Commission européenne, la ministre n’a jamais employé plus d’un seul employé, et encore, à mi-temps, pour contrôler toutes les entreprises importatrices de bois du pays », s’indigne Jeroen Verhoeven, expert Forêt chez Greenpeace Belgique.

Un laisser-aller que dénonce aussi le WWF dans sa lettre ouverte publiée mardi dans la Libre Belgique. « Notre pays figure parmi les cancres d’Europe en matière de commerce illégal de bois », assène le Fond mondial pour la nature. « Sans contrôle efficace, toute personne qui achète du mobilier ou tout autre produit fait à base de bois risque sans le savoir de contribuer au commerce illégal du bois et à la déforestation. » L’organisation s’inquiète ainsi de la disparition des forêts, dont l’humain dépend à bien des égards, et des milliards d’euros qui alimentent le circuit criminel du bois.

La ministre Marghem déçue des attaques lancées par Greenpeace et le WWF

Marie-Christine Marghem
Marie-Christine Marghem© LAURIE DIEFFEMBACQ/BELGAIMAGE

La ministre de l’Environnement et du Développement durable Marie-Christine Marghem déplore les attaques de Greenpeace et du WWF sur le « laxisme » du gouvernement face aux importations de bois illégal. Un budget pour intensifier les contrôles a déjà été débloqué, indique son cabinet. « La ministre a débloqué un budget pour engager sept nouveaux inspecteurs », réagit Bernard Van Hecke, porte-parole de la ministre. « Ces inspecteurs sont entrés en fonction au mois de septembre et ont été formés jusqu’en novembre. Ils sont donc à présent opérationnels. » Ils viendront ainsi renforcer l’équipe dévolue au contrôle des sociétés d’importation de bois du pays, qui se limitait jusqu’alors à un seul employé à mi-temps, selon Greenpeace. L’objectif est d’accroître le nombre d’inspections à 100 par an, précise en outre M. Van Hecke.

Le cabinet regrette d’autant plus les critiques des deux ONG que la ministre s’était réunie autour d’une table ronde avec Greenpeace et le WWF en 2015. Cette rencontre avait donné lieu à une charte qui visait à instaurer un meilleur partage d’informations au sujet des entreprises qui se livrent au commerce de bois illégal. « Greenpeace avait refusé de signer cette charte tant que du personnel n’était pas engagé. C’est chose faite », poursuit M. Van Hecke, qui précise que la charte est toujours sur la table.

Selon un classement de l’ONG Global Financial Integrity, cité par Greenpeace, l’abattage illégal se trouve en troisième position des crimes transnationaux les plus lucratifs, après le commerce de contrefaçons et le trafic de drogue. « Il nous apparaît clairement que la politique menée jusqu’ici par le gouvernement consiste à reporter sans fin les mesures qu’il faudrait prendre pour traiter ces problèmes de façon sérieuse », conclut le WWF, qui appelle la ministre Marghem à prendre « des décisions courageuses ».

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