Gérald Papy

Grèce : info et intox

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les réactions à la fermeture brutale de la radio-télévision grecque ont laissé plus de place à l’émotion qu’à la raison. Les motivations et responsabilités des uns et des autres demeurent pourtant très floues.

Depuis la fermeture brutale, mardi soir, de la radio et de la télévision publiques ERT, l’aspect émotionnel a dominé les réactions courroucées à la décision du Premier ministre grec. De la formule du « coup d’Etat cathodique » à l’appel à la dissolution de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), les déclarations fortes ont fusé. Or, beaucoup de questions demeurent sur les motivations et les répercussions de cette décision.
Pourquoi Antonis Samaras, Premier ministre grec de droite (Nouvelle Démocratie), a-t-il opéré ce coup de force ? Trois hypothèses sont évoquées ; elles peuvent se combiner.

1. Pour masquer son incapacité à restructurer d’autres services publics et à mener à bien le programme de privatisations qu’il avait lancé et qui a connu un récent revers avec l’échec de la reprise de la Compagnie du gaz par les Russes.

2. Pour forcer ses alliés du gouvernement, le Parti socialiste (Pasok) et le parti de centre gauche Dimar, à se positionner pour la poursuite de l’alliance gouvernementale. Dilemme difficilement surmontable : en cas de chute du gouvernement, les partis d’extrême droite et d’extrême gauche sortiraient vainqueurs d’un nouveau scrutin.

3. Pour faire la nique à la troïka internationale, en la mettant abruptement en face des conséquences désastreuses de ses recommandations. Alors que pas plus tard que le 5 juin, le Wall Street Journal a révélé que le FMI, dans une note interne, jugeait qu’ « en sous-estimant largement les effets de l’austérité imposée au gouvernement grec, la troïka a envoyé le pays dans le mur ».
En agissant à la hussarde, Antony Samaras a cependant pris le risque de replonger la Grèce dans un cycle négatif alors qu’elle commençait à peine à relever la tête.

Le service public grec de radio-télévision est-il injustement ciblé ?
De l’avis même de journalistes grecs, la gestion de l’ERT n’était pas exempte de conservatisme, de clientélisme et de corruption et subissait les pressions du pouvoir politique, tous partis confondus au gré des alternances. Mais quels que soient les travers de l’institution, la méthode employée par le Premier ministre interpelle. Son intention affichée étant de maintenir à terme un service public, pourquoi avoir choisi la fermeture « bête et méchante » plutôt qu’une restructuration, même douloureuse ?

Sans doute pour modifier le statut des futurs employés de la nouvelle ERT. Mais ce gain supposé justifiait-il de prendre pareil risque de crise ?

La légitime solidarité des radios et télévisions de service public en Europe (fortement exprimée sur les antennes de la RTBF-radio depuis mardi), ne doit cependant pas faire fi de certaines réalités et empêcher certaines remises en question.

La Commission européenne a-t-elle forcé Athènes à prendre cette décision ?

Le commissaire européen Olli Rehn s’en est défendu mercredi au Parlement européen. Pour autant, la troïka ne devait-elle pas prévenir Antonis Samaras des répercussions désastreuses de sa décision, si tant est qu’elle ait été avertie ? L’attitude du Premier ministre grec rappelle celle de son prédécesseur Georges Papandréou qui, en octobre 2011, avait sidéré les Européens en proposant de soumettre le plan de sauvetage de la Grèce à un référendum. Il avait dû faire marche arrière et avait été forcé à la démission. Au vu des réactions, timides, des dirigeants européens, il n’est pas sûr que pareille pression s’exerce aujourd’hui sur Athènes.

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