Gérald Papy

Grandeur et déchéance

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

TEMPÊTE POLITIQUE, BOURRASQUE FINANCIÈRE : rarement une affaire de moeurs aura eu un tel impact que l’ « affaire DSK ». Quoi de plus normal, somme toute, à l’aune de la gravité de l’accusation de « tentative de viol, agression sexuelle et séquestration » portée contre Dominique Strauss-Kahn et en regard de la personnalité du directeur général du Fonds monétaire international et candidat attendu à la présidence de la France.

A l’heure d’écrire ces lignes, toute la lumière n’est pas faite sur la réalité de ce qui s’est passé le samedi 14 mai dans une suite de l’hôtel Sofitel de New York. Trois hypothèses théoriques sont envisageables : un crime commis par un homme incapable de contrôler ses pulsions ; une machination, peut-être à des fins lucratives, improvisée par une femme de chambre faible ou machiavélique ; un complot ourdi par des ennemis dans la classe politique française ou au sein des institutions financières internationales.

Depuis la révélation du « scandale DSK », les responsables socialistes français ont brandi la présomption d’innocence comme un bouclier et ont fait front pour défendre, publiquement en tout cas, « l’un des leurs », jusqu’à présenter Dominique Strauss-Kahn comme une victime et oublier qu’en l’occurrence la victime, jusqu’à preuve du contraire, est une mère célibataire d’origine africaine qui n’a jamais goûté au « plaisir » de rouler en Porsche Panamera. La procédure judiciaire aux Etats-Unis est telle que c’est la thèse de l’accusation qui est entendue dans un premier temps ; la perception de la réalité peut en être biaisée. Dans les jours qui viennent, la défense va s’efforcer d’écrire une autre histoire de l’agression du Sofitel, sans nécessairement beaucoup d’égards pour une employée dépourvue des moyens de défense d’un DSK. Force est de constater cependant que les premiers éléments révélés de l’enquête sont accablants pour l’homme politique français. Alors, DSK cible d’un coup monté et d’un lynchage, particulièrement injuste si les faits n’étaient pas avérés ? Sous réserve de la stratégie qu’adopteront ses avocats, seul le procès, auquel le plaidoyer non coupable de DSK ouvre la voie, le démontrera éventuellement.

Quelle que soit son issue, l’ « affaire DSK » est emblématique parce qu’elle navigue entre l’univers anglo-saxon et le monde latin, entre la gauche et la droite, entre les nantis et les petits, peut-être entre la séduction et la prédation. Elle interpelle les responsables publics sur leurs responsabilités et sur leur rapport au pouvoir : non, le prestige d’une importante fonction n’est pas un blanc-seing à toutes les transgressions et toutes les impunités. L’ « affaire DSK » interroge aussi notre société sur une certaine forme de complaisance à l’égard du harcèlement sexuel.

L’avenir dira si, dans le chef de Dominique Strauss-Kahn, la pulsion a été plus forte que l’ambition et a précipité l’incroyable chute d’un homme au demeurant brillant. Ses antécédents de « grand-séducteur-et-plus-si-affinités-ou-pas » ne plaident pas en sa faveur. En toute hypothèse, la démocratie gagnerait à en finir avec l’équation « pouvoir = domination = transgression ».

GÉRALD PAPY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire