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Grand prix F1 : « Les Wallons sont les dindons de la farce »

La Région wallonne s’accroche à la F1. Même les Verts semblent contents. L’ex-Ecolo, Bernard Wesphael (Mouvement de Gauche) dénonce une opération dont l’ardoise pourrait s’élever à 150 millions pour la Wallonie, d’ici à 2015 !

Le Vif/L’Express: Le contrat du Grand Prix avec Bernie Ecclestone a été prolongé jusqu’en 2015. Vous joignez-vous à l’euphorie ambiante ?

Bernard Wesphael : Pas du tout. Moi, ma position n’a pas changé. Les pouvoirs publics n’ont pas à financer une organisation privée de cette nature. Ils se sont une nouvelle fois couchés face au diktat de Bernie Ecclestone. Soyons lucide : il en coûtera toujours plusieurs millions d’euros à la Région wallonne pour couvrir le déficit annuel du Grand Prix de Belgique. Dans le contexte actuel, c’est indécent. Quand on sait à quel point la Région éprouve des difficultés graves, par exemple, en matière d’offre des bus TEC : on en est au million près. C’est donc un choix politique de société que je n’approuve pas.

Pour la Belgique, ne s’agit-il pas d’une belle vitrine ?

C’est comme cela qu’on nous le présente. Mais on parle bien du Grand Prix de Belgique. Par conséquent, pourquoi les Wallons sont-ils les seuls à payer les coûts cachés de la F1, alors que le pouvoir fédéral, lui, bénéficie majoritairement des retombées fiscales de l’événement via, entre autres, la TVA dans le secteur Horeca. Quant aux plantureux bénéfices du GP, ils vont dans la poche d’Ecclestone. Les Wallons sont les dindons de la farce.

Même Ecolo semble heureux de cette décision. Comment expliquez-vous ce revirement ?

Je ne le comprends pas du tout. Ecolo n’a jamais été contre la F1 en soi, mais a toujours avancé les arguments que je viens de vous exposer pour critiquer le Grand Prix tel qu’il est organisé et financé depuis le début. Je suis pour le moins surpris par la nouvelle position de mon ancien parti. Un si grand écart en si peu de temps, c’est étonnant et malsain. Le Mouvement de Gauche, lui, n’a pas changé d’avis…

Le nouveau montage financier n’est-il pas plus convaincant ?

Le montant probable du déficit annuel a certes été revu à la baisse. Mais il y aura toujours 3 à 5 millions à éponger pour chaque Grand Prix. C’est énorme. Depuis 2006, en incluant les travaux d’infrastructure exigés par Ecclestone, on arrive à un total de 106 millions d’euros ! En 2015, cela tournera sans doute autour de 150 millions. Imaginez ce que cela représente : c’est presque un tiers de la première tranche du budget des routes wallonnes. « Un Grand Prix à petit prix », avait martelé le CDH… En outre, les grands accords avec le patron de la F1, je n’y crois guère. On l’a vu par le passé. Il n’est pas certain qu’on arrive à diminuer le déficit annuel actuel de 5 à 6 millions. Cette année, il faut déjà rembourser les tickets des 5 600 acheteurs lésés par la société néerlandaise Ticket Enterprise, partenaire de Spa Grand Prix et qui vient de faire faillite.

Une étude dite sérieuse avance que les retombées économiques de la F1 dans la région de Verviers sont de 43 millions d’euros. N’est-ce pas un bon argument ?

C’est une très bonne chose, j’en conviens. Mais pourquoi poursuivre dans la logique du financement public d’un tel événement privé, surtout dans le contexte budgétaire actuel ? Cela ne change rien aux retombées économiques.

Comment expliquez-vous que la Région wallonne s’accroche à ce point à la F1 ?

Incompréhensible ! D’autant qu’il y avait des contacts avec des repreneurs privés potentiels. Je crois qu’un certain nombre de politiques veulent garder la F1 dans le giron public. La structure organisationnelle actuelle représente tout de même un certain nombre de mandats pour ceux-ci…

Propos recueillis par Thierry Denoël

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