Elio Di Rupo © BELGA

Grâce à Di Rupo, Magnette sera président d’un parti qui ne comptera plus en 2019

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Alors que Di Rupo s’accroche au pouvoir d’un PS en chute libre, Olivier Maingain saisit l’occasion de ressortir le communautaire dans le Stratego bruxellois et wallon.

Depuis déjà deux mois, la Wallonie se débat dans une crise institutionnelle. Le 19 juin, en une conférence de presse, le président du cdH Benoît Lutgen a fait une croix sur trois gouvernements – le wallon, le bruxellois, et le gouvernement de la communauté française – sans vérifier les alternatives auprès des autres partis. Si entre-temps, il y a un nouveau cdH-MR au gouvernement wallon, à Bruxelles et à la communauté française le processus décisionnel gémit sous l’incertitude politique.

En quelques semaines, les structures de pouvoir sous la frontière linguistique ont été nettement redessinées. Autrefois puissant, le PS doit soudain lutter pour sa survie – une situation inédite pour un parti qui a su positionner ses pions dans toutes les couches de l’administration publique. Si au niveau fédéral, le PS a été relégué aux bancs de l’opposition, il effectuait son travail d’opposition le plus efficace en se dressant contre la politique fédérale du MR depuis la majorité wallonne. Suite à la succession de scandales, les socialistes ont non seulement perdu leur crédibilité, mais aussi leur position dans le gouvernement wallon.

Dans un autre parti, Elio Di Rupo ne serait plus président après autant de débâcles. Après l’affaire du Samusocial, les analystes et les observateurs politiques étaient déjà d’accord que l’empire d’Elio Di Rupo était terminé. Mais au pays du PS tout est possible, et c’est ainsi que Di Rupo a pu présenter un nouveau livre où il explique les fondements du nouveau style du PS. Ce week-end, son successeur attendu Paul Magnette a entrouvert la porte à une passation de pouvoir. Si le siège du président se libère, il veut bien l’occuper. Di Rupo a quant à lui fait savoir qu’il restait en poste au moins jusqu’aux élections de 2019.

En conservant son sceptre, Di Rupo pense pouvoir éviter le chaos total à son parti ; Mais en gardant sa place jusqu’en 2019, il risque de laisser à Magnette la présidence d’un parti qui ne compte plus aux niveaux fédéral et régional.

Le déclin du PS offre un contraste criant avec l’âge d’or du petit Défi d’Olivier Maingain. À Bruxelles, c’est le seul parti capable d’offrir une majorité sans le PS au MR et au cdH, et le président du MR Olivier Chastel déclare ouvertement qu’une coalition cdH-MR-Défi constitue la seule possibilité pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et le parlement francophone. Mathématiquement, Ecolo peut également dépanner pour un nouveau gouvernement de la communauté, mais leur liste de revendications semble permettre peu de marge de négociations. Contre toute attente, Olivier Maingain est devenu faiseur de rois, mais il ne se laisse pas presser.  » Que Benoît Lutgen tire les conséquences de ses actes en proposant autre chose, mais jusqu’ici, il ne propose rien « , lui a-t-il reproché dans le quotidien Le Soir.

Maingain décelé surtout des problèmes et des opportunités communautaires dans l’impasse. « Benoît Lutgen a ouvert la boîte de Pandore d’une nouvelle réforme de l’Etat », déclare-t-il au quotidien Le Soir. C’est pourquoi il exige de la clarté de la part du MR au sujet de « l’unité des francophones » qui doivent former un front commun si on bricolait aux structures de l’état. Il souhaite renforcer la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Maingain craint fort que les compétences soient transférées du niveau communautaire au niveau régional.

En Flandre, il y a longtemps que les compétences de la communauté et la région sont exercées par la même institution, le Parlement flamand. La raison pour laquelle les niveaux régional et communautaire demeurent séparés est soigneusement cachée dans le nom de Fédération Wallonie-Bruxelles. En créant un gouvernement communautaire pour les francophones en Wallonie et à Bruxelles, les Wallons conservent un lien institutionnel avec la capitale géographiquement encerclée par la Flandre. Quand Maingain déclare qu’il souhaite renforcer la communauté, cela signifie qu’il veut renforcer les liens entre Bruxelles et la Wallonie.

Il semble que ni Bruxelles, ni la Fédération Wallonie-Bruxelles n’auront rapidement un gouvernement. À Bruxelles, DéFi siège déjà dans une majorité où il se sent bien, ce qui empêche le parti de tendre la main à Lutgen. Pour entrer au gouvernement communautaire, Maingain souhaite également du donnant-donnant. Tant que ce n’est pas le cas, il observe avec plaisir le tandem PS-CDH se fourvoyer encore un peu plus. « Il est tout aussi difficile pour nous d’entrer dans une majorité alors que Benoît Lutgen et Elio Di Rupo nous ont dit en 2014 que nous n’étions pas essentiels », déclare Maingain au quotidien Le Soir. « À l’époque, on nous a répondu sans sympathie. »

Trois ans plus tard, DéFi est devenu la clé du succès du pari politique de Lutgen. Ajoutez à ça qu’à l’approche des élections de 2018 et 2019 la N-VA a proposé l’exigence d’une nouvelle réforme de l’état et vous aurez le terreau idéal du discours communautaire d’Olivier Maingain.

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