Les gouverneurs Hervé Jamar (Liège, à gauche) et Gilles Mahieu (Brabant wallon, à droite) lors de leur "intronisation". © BELGA

Gouverneur, le fait du prince

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Plus particratique que le choix d’un gouverneur, tu meurs. Un chouia de transparence, serait-ce trop demander ? Ecolo lance une piste. Sans illusion.

Ils se comptent pile-poil sur les doigts des deux mains. De vilaines rumeurs circulent sur leur compte : on les dit potiches, pantouflards, planqués, recasés. Un poste de gouverneur de province ?  » Un parachute doré pour rossignols décatis « , a un jour osé Olivier Maingain, le président de DéFI.

Pourtant, le job ne serait pas toujours de tout repos. Un gouverneur n’est pas payé grosso modo 7 000 euros net par mois pour savoir recevoir un invité de marque. Quand la sécurité et l’ordre public sont en jeu, c’est lui qui doit sortir de la tranchée.  » Le gouverneur possède des prérogatives très importantes de commandement sur la police et l’armée. Ce qui exige une disponibilité 24 heures sur 24 « , rappelle le constitutionnaliste Christian Behrendt (ULg). Excellentes raisons pour y regarder à deux fois avant de sélectionner un aussi précieux pilier du régime.

Or, l’heureux élu à la fonction n’a pas eu à se battre à la loyale pour décrocher la timbale. Aucun appel officiel à candidatures. Pas de critères précis d’engagement ni d’épreuves à subir. Pas de stress tests obligatoires pour éprouver la capacité du prétendant à faire face à ses lourdes responsabilités en cas d’une inquiétante montée des eaux, d’une centrale nucléaire qui pète les plombs ou d’une usine classée Seveso qui débloque.  » Le choix du gouverneur repose sur un pouvoir discrétionnaire « , confirme le constitutionnaliste Marc Verdussen (UCL). Sur papier, le gouvernement régional tranche, sur avis conforme du gouvernement fédéral.

C’est dans la coulisse que toute concurrence s’écarte. Dosage, marchandage, voire copinage : les partis ont la main. Philippe Courard (PS), en son temps ministre régional de l’Intérieur, résumait la quadrature du cercle :  » La nomination d’un gouverneur implique un accord nécessaire au sein des partis politiques. Aucun formalisme particulier n’est requis. La liberté est totale pour poser un choix réfléchi, mature.  » Entre gens de grande qualité, cela va de soi, retenus pour bons et loyaux services rendus au pays ou au parti. A moins qu’ils ne soient exfiltrés d’un poste en vue où ils sont jugés encombrants ou défaillants.

 » La procédure a tous les traits d’Ancien Régime « , observe Stéphane Hazée, député régional wallon Ecolo. D’où cette proposition des verts d’enrichir la procédure de désignation d’une lettre de mission et d’inviter le candidat gouverneur à faire partager au parlement la manière dont il entend relever ces défis, sans que cela ne tourne à évaluation.

Ce premier pas timide  » pour sortir d’une logique moyenâgeuse  » est diversement apprécié.  » Ce qui peut contribuer à rendre moins opaque ce processus me paraît être une exigence élémentaire, certainement pas déraisonnable « , estime Marc Verdussen. Christian Behrendt se montre plus réservé : à quoi bon changer une formule qui gagne ? » Tous les gouverneurs ont cette capacité de s’élever au-dessus de la mêlée et de transcender les clivages.  »

Les écarts de conduite sont rarissimes. Des bourgmestres, des échevins, des ministres indélicats, ça c’est déjà vu. Des gouverneurs révoqués, c’est du jamais-vu depuis des lustres. Preuve ultime que les choix opérés, s’ils ne sont pas forcément toujours les plus heureux, ne seraient jamais fondamentalement mauvais.

Par Pierre Havaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire