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Gial, etc : la faillite de la fonction publique ?

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

C’est l’histoire d’un système qui a fait des heureux : la profusion des ASBL au sein de la Ville de Bruxelles – 143 selon le décompte effectué par le Vif/L’Express sur la base du cadastre des mandats mis en ligne – a permis à nombre d’élus, d’administrateurs et autres membres de conseils de gérance, de bénéficier de jetons de présence pendant des années.

Certains autres ont consacré des heures à accompagner des structures bruxelloises essentielles, dans le secteur de l’éducation, du logement, du sport, de la culture, du tourisme, ou du développement économique, sans aucunement en ressortir plus riches. Il ne faut donc pas jeter le bébé ASBL avec l’eau de son bain.

C’est l’histoire d’un système qui a fait des heureux et qui arrive aujourd’hui au bout de sa logique. Ce qui frappe, dans le déferlement actuel d’informations autour de ces structures et de certains de ceux qui les dirigent, c’est le discours des élus qui tentent de justifier l’engagement à prix élevé de directeurs ou de consultants. Ce n’est pas forcément tant la hauteur de ces émoluments – si choquants soient-ils – qui est ici en cause que le raisonnement qui y mène. « Nous n’avions pas le choix », affirme Karine Lalieux, ex-présidente du Gial, pour justifier le recrutement d’un directeur payé 1 250 euros par jour, sous statut d’indépendant, comme pour celui de son directeur du développement informatique (1 000 euros par jour) « parce que ce genre de profil est vraiment exceptionnel ». « Nous devons aller chercher à l’extérieur des compétences dont nous ne disposons pas en interne », ajoute Rudi Vervoort, ministre-président socialiste de la Région bruxelloise. Les propos étonnent, dans la bouche d’élus censés défendre, plus que d’autres, la fonction publique. Car qu’est-ce à dire, au fond ? Qu’il n’y a pas de fonctionnaires compétents dans les structures publiques communales ou régionales ?

Soit le constat est correct. Dans ce cas, pourquoi la fonction publique est-elle incapable d’attirer des talents ? Parce qu’à force de plans d’économies, les communes, par exemple, ne sont plus en mesure d’engager comme elles le devraient les forces vives dont elles ont besoin ? Ou parce que les salaires proposés ne sont pas alléchants ? Les deux, peut-être ? Mais quelle fonction publique veut-on, en fait ? Devant cette pénurie de compétences internes, voilà les pouvoirs publics « contraints » de se tourner vers des consultants ou des directeurs indépendants qui sont « forcément » brillants. Le sont-ils parce qu’ils coûtent cher ? On finirait presque par le croire. Et l’on voit des pouvoirs publics prêchant la rationalisation de leurs outils à des fins d’économies soudain prêts à débourser d’impressionnantes sommes pour d’autres, externes. A-t-on fait la preuve qu’il ne reviendrait pas moins cher de payer mieux des fonctionnaires plutôt que de payer très cher des consultants ?

Soit le constat n’est pas correct et la fonction publique compte bien en son sein des professionnels compétents, créatifs, lumineux. Alors l’engagement à tour de bras d’indépendants chèrement rémunérés ne peut pas se justifier. Et le paiement de leurs émoluments est pure gabegie. Qu’une haute fonctionnaire ait été nommée, il y a six mois, à la tête du Gial, sonne d’ailleurs comme une sorte d’aveu.

Dans un cas comme dans l’autre, le constat est glaçant. En justifiant une politique de recrutement que d’aucuns qualifieraient de « purement libérale », les pouvoirs publics, acculés, insultent les fonctionnaires. Et reconnaissent le magnifique échec de leur propre politique, en termes de stratégie, de recrutement et de rémunérations dans la fonction publique. En alimentant, chaque fois, le soupçon sur la pertinence de leur propre gestion et l’irréprochabilité de leurs pratiques.

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