Pierre-Yves Jeholet, chef de groupe MR au Parlement wallon. © BELGA/Bruno Fahy

Germanophones: « la Belgique à quatre est inscrite dans les astres », ou pas

Le président du parlement de la Communauté germanophone, Karl-Heinz Lambertz, et plusieurs députés germanophones ont plaidé mardi au parlement wallon pour une accélération des transferts de compétences régionales vers leur entité fédérée, soutenus en cela par une proposition de résolution du MR (opposition). Mais les élus de la majorité parlementaire wallonne (PS-cdH) ainsi qu’Ecolo ont tempéré ces ardeurs, élargissant le débat à l’avenir de la Belgique.

« L’heure de vérité approche », n’a pas hésité à lancer M. Lambertz (PS) devant la commission de coopération du parlement wallon avec la Communauté germanophone, qui ne s’était plus réunie depuis 2011. Il évoquait ainsi la réunion programmée le 2 juillet prochain entre les gouvernements wallon et germanophone, sur les transferts de compétences vers la plus petite entité fédérée du pays (près de 77.000 habitants), en vertu de la 6e réforme de l’Etat.

Des pans de la compétence de l’emploi doivent encore être mis en oeuvre dans l’escarcelle germanophone, de même que le logement, mais les Germanophones lorgnent aussi sur l’aménagement du territoire, l’urbanisme, les routes régionales et les compétences provinciales. Une proposition de résolution MR va jusque-là, au nom de la cohérence et de l’efficacité des politiques, mais aussi parce que « la Belgique à quatre est inscrite dans les astres », a relevé le chef de groupe Pierre-Yves Jeholet. Il juge que les partis de la majorité entretiennent un double discours depuis trop longtemps à l’égard des Germanophones, alors que le MR a une position commune avec son aile libérale à Eupen, le PFF.

Dans la majorité parlementaire wallonne (PS-cdH), si l’on se montre disposé à avancer sur base de l’article 139 de la Constitution qui permet le transfert de matières régionales wallonnes à la Communauté germanophone, on exclut toute précipitation, les transferts nécessitant une analyse fine de leur impact budgétaire, a noté Marie-Martine Schyns (cdH). « La Communauté germanophone fait partie intégrante de la Wallonie, pour développer une région prospère », a notamment relevé le chef de groupe PS, Christophe Collignon, suscitant des grincements de dents dans les rangs germanophones.

Le député, régionaliste convaincu, juge toutefois les revendications germanophones légitimes, mais il insiste aussi sur la nécessaire adhésion de la population aux changements institutionnels et sur l’accord de la Flandre à voir la structure de l’Etat évoluer vers les Régions plutôt que les Communautés. Pour André Antoine (cdH), les revendications d’autonomie ne doivent pas éluder le débat sur la solidarité entre Germanophones et Wallons, tout comme il en existe une entre Wallons et Bruxellois francophones à travers la Fédération Wallonie-Bruxelles. « Quelle conception de la Belgique ont ceux qui veulent précipiter les calendriers? », a-t-il demandé au MR, craignant un « effet papillon » qui se répercute sur le débat institutionnel belge. Stéphane Hazée (Ecolo) est lui aussi d’avis qu’élargir les transferts de Namur vers Eupen à une matière telle que l’aménagement du territoire impliquerait un débat sur la 4e Région, qui « toucherait aux équilibres de l’Etat ». Face à ces remarques, Karl-Heinz Lambertz s’est voulu rassurant. « Personne n’envisage des relations entre entités qui se font la guerre, il s’agit de coopérer d’égal à égal. Nous sommes tous dans un scénario de consolidation de la Belgique fédérale et non d’un éclatement ». Dans le cadre d’une évolution institutionnelle offrant toujours davantage de compétences aux Régions par rapport aux Communautés, une Belgique à quatre permettrait aussi de défendre le statut de Bruxelles, a-t-il estimé. L’ancien chargé de mission royale croit d’ailleurs savoir que « le moment viendra où les Flamands accepteront plus d’autonomie pour Bruxelles, comme j’en ai déjà parlé il y a quatre ou cinq ans avec (le président de la N-VA) Bart De Wever ». Si la précipitation n’était pas de mise dans sa bouche non plus, il a toutefois prévenu que « celui qui ne se préparerait pas à un grand débat institutionnel en 2019-2020 ferait une grave erreur politique ». Karl-Heinz Lambertz prendra une nouvelle fois la parole mercredi en séance plénière du parlement wallon, à l’occasion d’une semaine au cours de laquelle l’assemblée wallonne mettait à l’honneur sa consoeur germanophone.

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