Thierry Fiorilli

G1000 : plutôt mille fois qu’une

Thierry Fiorilli Journaliste

Le rapport final du panel citoyen baptisé G1000 fait beaucoup sourire ou bâiller. Parce que « les propositions enfoncent des portes ouvertes », parce que « c’est une initiative très sympathique », parce que « la majorité des idées abordent la manière et pas le résultat », etc. Pourtant, on ne peut que se réjouir : « les gens se bougent enfin ». Et pas pour aller au stade, défiler avec des drapeaux ou jeter des pierres sur les méchants.

C’est difficile de savoir ce qu’on veut. Durant les 540 jours de crise, qui n’ont pris fin il n’y a même pas un an, beaucoup s’énervaient de constater que la majorité des Belges restaient amorphes, anémiques, à regarder le train hoqueter comme des vaches dans leur pré. Et qu’une manifestation à Bruxelles, avec calicots, bannières noires-jaunes-rouges et bons mots sur les tee-shirts démontrait une inquiétude, un agacement, bien plus qu’une implication. Les différentes initiatives qui ont fleuri sur le Web, elles, relevaient de la mobilisation à peu de frais (« campez virtuellement devant le 16, rue de la Loi) ou de la protestation potache (« Laissons-nous pousser la barbe », « Ne mangeons plus de frites », « Embrassons-nous au-delà de la frontière linguistique »).

De la même façon, la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom, s’est fait incendier trois jours avant les dernières communales, il n’y a même pas un mois, parce qu’elle disait en substance : le vote est obligatoire, oui, mais de toute façon, on ne poursuivra pas ceux qui ne feront pas leur devoir d’électeur, donc, pas de souci si vous restez chez vous le jour des élections. Les offusqués considéraient que le désintérêt de la population pour « la chose politique » est déjà tel qu’il ne faut pas en rajouter, surtout en cette période qui aligne les crises comme d’autres les médailles : crise économique, crise sociale, crise morale, crise institutionnelle.

Dès lors, même si les idées suggérées par mille citoyens, francophones comme Flamands, ne brillent sans doute pas par leur originalité, par leur innovation, en ricaner ou les classer verticales est une erreur. Une posture. Une réaction à la hauteur de la valeur-refuge de l’époque : le cynisme, la raillerie, le mépris. Ces mille-là, sans doute un peu boyscouts, sûrement animés d’un enthousiasme pas mal naïf, évidemment plutôt la bouche en coeur que le majeur dressé, ces mille-là se bougent, au moins. A la façon des indignés, si, si. En prenant des risques. En se jetant dans l’arène autrement que dans les pas d’un parti, d’une meute ou d’une troupe. Et, qui sait, jettent les bases, peut-être, d’une future et proche réelle démocratie participative, pas uniquement avec des miradors dressés depuis le salon et l’écran de chacun.

Plutôt mille fois ça, donc, encore. Ça nous changera des « implications collectives » actuelles : pour faire la ola lorsque les Diables rouges jouent, pour s’écharper autour de The Voice ou Belgium Gots Talent. Pour traquer la petite phrase qui tue du politique. Pour détailler les robes des défilés. Ou pour huer les prisonniers qui remplissent les conditions de libération anticipée.

Thierry Fiorilli

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